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Cinq principaux secteurs ressortent :

Ce constat est logique puisque c’est dans ces secteurs que sont situées les principales installations nucléaires rejetant du tritium dans les cours d’eau et par voie atmosphérique.

On trouve par ailleurs 5 départements qui comportent quelques points (de 1 à 5) de contamination isolés : le Morbihan, la Mayenne, la Haute-Saône, le Haut-Rhin et la Lozère. La recherche de l’origine de ces résultats sort du champ de ce dossier, mais il serait utile d’interroger les autorités à ce sujet.

Île de France

Le principal site à l’origine d’un apport de tritium dans le secteur est la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Celle-ci n’est pas située en Île de France, mais en région Grand Est, dans le département de l’Aube. Elle se trouve à une quinzaine de kilomètres en amont de la commune de Villiers-sur-Seine (Seine-et-Marne) et environ 150 kilomètres en amont de Paris. Pour ce site, les rejets liquides de tritium sont, de 2017 à 2021, de 40 000 à 55 000 gigabecquerels (GBq) par an1.

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Deux autres sites rejetant du tritium se trouvent en Île de France :

  • le CEA de Paris Saclay (Essonne), centre de recherche de l’industrie nucléaire civile, exploitant 8 installations nucléaires de base (rejets liquides de tritium : 6 à 12 GBq/an),
  • le CEA de Bruyères-le-Châtel (Essonne), centre consacré à l’industrie nucléaire militaire (rejets liquides de tritium : 0,25 à 0,45 GBq/an).

Sur les 1 268 communes de la région Île de France, 250 sont desservies par une eau dont la teneur en tritium a atteint ou dépassé 10 Bq/l au moins une fois pendant la période étudiée.

La teneur maximale en tritium est comprise entre 10 et 20 Bq/l dans 81 communes, entre 20 et 30 Bq/l dans 73 communes et entre 30 et 40 Bq/l dans 96 communes.

Le principal gestionnaire du service public de l’eau potable en Île de France est le SEDIF (Syndicat des eaux d’Île de France) mais il en existe plusieurs autres. En fonction des secteurs géographiques, les eaux potables des différentes communes de la région peuvent provenir directement des cours d’eau (principalement Seine, Marne et Oise), ou de captages souterrains.

L’illustration ci-dessous permet de comparer la carte des communes franciliennes dans lesquelles du tritium a été détecté à plus de 10 Bq/l (à gauche), et la carte des communes alimentées par de l’eau potable provenant en totalité ou en partie de la Seine (à droite).

La commune de Paris est découpée en 4 unités de distribution. Trois d’entre elles sont partiellement alimentées par l’eau de la Seine. La quatrième (nord-ouest de Paris) est la seule pour laquelle le tritium n’est jamais détecté.

Hors de Paris, la plupart des communes alimentées par la Seine sont desservies par l’une des usines de prélèvement situées à Choisy-le-Roi, Viry-Châtillon, Vigneux-sur-Seine et Morsang-sur-Seine.

Dans certains cas, les communes ne sont pas alimentées directement par l’eau de la Seine, mais par une usine prélevant l’eau dans une nappe phréatique en lien avec le fleuve. C’est le cas de plusieurs communes du nord-ouest de Paris (Le Vésinet, Le Pecq, Montesson, Croissy-sur-Seine, …) alimentées par l’usine du Pecq-Croissy-sur-Seine. Gérée par Suez, l’installation puise l’eau dans une nappe phréatique, mais “l’usine de réalimentation capte l’excédent d’eau de la Seine principalement en période d’abondance pour réalimenter la nappe phréatique, par l’intermédiaire de 10 bassins”2. Les communes du secteur de Provins (sud-est de l’Île de France) sont également approvisionnées par une nappe superficielle en lien avec la Seine.

Pour la plupart des communes dans lesquelles du tritium est détecté mais qui ne sont pas identifiées comme desservies par de l’eau provenant de la Seine, les informations que nous avons trouvées indiquent que l’eau provient d’une nappe souterraine, mais sans plus de précisions. Le lien entre cette nappe et la Seine est probable, mais pour le confirmer il conviendrait d’interroger le distributeur d’eau potable. Dans le doute, ces communes ne sont pas coloriées en mauve.

Loire et Vienne

La vallée de la Loire compte 4 centrales électronucléaires : d’amont en aval, Belleville-sur-Loire (Cher), Dampierre-en-Burly (Loiret), Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) et Chinon (Indre-et-Loire).

Le secteur compte également la centrale de Civaux, le long de la Vienne, à 45 km en amont de Châtellerault. La Vienne se jette dans la Loire à 115 km en aval de celle de Civaux et à 8 km en aval de celle de Chinon.

Pour chacun de ces sites, les rejets liquides entre 2017 et 2021 sont compris entre 15 000 et 70 000 GBq/an, pour un total cumulé sur l’ensemble du bassin versant de 180 000 à 250 000 GBq/an.

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Comme le montre la carte ci-dessus, des teneurs maximales en tritium de 10 Bq/l ou plus sont détectées le long de la Loire à partir de l’aval de Belleville, et le long de la Vienne à partir de l’aval de Civaux.

On distingue l’amont de Chinon, où la détection de tritium est principalement limitée aux plus grandes villes situées en bord de Loire et à quelques communes voisines, et l’aval, où la contamination est plus étendue, tant pour la quantité de communes que pour la fréquence de résultats significatifs.

Avant Chinon, le tritium est détecté :

  • dans 5% des cas à Gien (maximum : 13 Bq/l le 8 novembre 2019) ;
  • dans 27% des cas à Orléans (maximum : 33 Bq/l le 18 mai 2021),
  • dans 54% des cas à Blois (maximum : 31 Bq/l le 31 juillet 2018) ;
  • dans 88% des cas à Tours (maximum  : 47,9 Bq/l le 24 octobre 2019).

Sur la Vienne, le tritium est détecté dans l’agglomération de Châtellerault. C’est dans cette ville que la valeur la plus élevée de l’ensemble de la base de données a été mesurée : 65 Bq/l le 14 mars 2017.

Après Chinon, la détection de tritium concerne une quantité plus importante de communes, et est plus fréquente : 85 à 90% des résultats à Saumur, Angers, Ancenis, Nantes. Les valeurs maximales sont détectées dans le secteur d’Angers (54,1 Bq/l le 18 septembre 2019).
Le tritium est détecté jusqu’à l’embouchure de l’estuaire de la Loire, par exemple dans 50% des cas à Saint-Nazaire (maximum : 39  Bq/l le 30 juillet 2019).

Garonne

La Garonne compte une centrale électronucléaire, implantée à Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, à 5 km en amont du Lot-et-Garonne.

Les rejets liquides de tritium de Golfech sont, de 2017 à 2021, de 40 000 à 65 000 GBq/ an.

Citons également la centrale du Blayais, dont les rejets liquides (35 000 à 50 000 GBq/ an) s’effectuent dans l’estuaire de la Gironde.

En aval de Golfech, le tritium est détecté à 10 Bq/l ou plus dans 2 secteurs :

  • l’agglomération d’Agen, à 25 km en aval de Golfech. Dans la ville d’Agen, le tritium est détecté dans 14% des cas. La teneur maximale a été mesurée dans le prélèvement du 7 mars 2019 (55,9 Bq/l) ;
  • l’agglomération de Marmande, à 90 km en aval de Golfech. À Marmande, le tritium est détecté dans 6% des analyses (maximum : 18,4 Bq/l le 5 avril 2022).

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Vallée du Rhône

La vallée du Rhône compte 4 centrales électronucléaires en activité : d’amont en aval, Bugey (Ain), Saint-Alban (Isère), Cruas (Ardèche) et Tricastin (Drôme).

Les rejets liquides de chacun de ces 4 sites sont, pour la période 2017-2021, compris entre 32 000 et 65 000 GBq/an, pour un total cumulé de 150 000 à 200 000 GBq/an.

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Citons également l’ILL de Grenoble, qui rejette dans l’Isère 50 à 200 GBq/an de tritium, et le CEA de Marcoule, dont les rejets liquides de tritium s’élèvent de 250 à 2 500 GBq/an.

Dans la vallée du Rhône proprement dite, le seul secteur dans lequel la teneur en tritium dans les eaux potables atteint ou dépasse 10 Bq/l est situé à l’aval du Tricastin. 20 communes sont concernées, la principale d’entre elles étant Bollène.

Du tritium est également détecté à Nîmes et dans 14 communes proches. La ville de Nîmes est située à une vingtaine de km du Rhône ; son réseau de distribution d’eau potable est alimenté en partie par l’eau du Rhône, via une prise d’eau située sur la commune de Fourques en amont d’Arles. Cette source d’approvisionnement contribue au réseau hydraulique régional qui “sécurise l’approvisionnement en eau potable des villes de Nîmes […], de Montpellier […] et du syndicat du Bas Languedoc […])”3. Ceci pourrait également expliquer la détection ponctuelle de tritium dans des communes du secteur de Montpellier (visible sur la carte globale).

En affichant les points pour lesquels l’activité en tritium a atteint ou dépassé 5 Bq/l et non pas, comme pour les autres cartes, 10 Bq/l, de nombreux points apparaissent dans l’agglomération lyonnaise, où la valeur maximale, mesurée le 9 décembre 2019, a été de 9 Bq/l, et en rive gauche du Rhône en aval de la centrale de Saint-Alban (maximum : 6 Bq/l le 14 avril 2016). Cette carte doit toutefois être prise avec précaution car les communes pour lesquelles la limite de détection des analyses était supérieure à 5 Bq/l n’apparaissent pas alors qu’elles pourraient présenter les mêmes teneurs en tritium.

Dans la vallée du Rhône, du tritium est donc détecté, mais les activités maximales sont nettement plus faibles que pour les autres cours d’eau : 10 Bq/l dans le secteur de Bollène et 20 Bq/l dans le secteur de Nîmes. Ceci provient de la plus grande dilution des rejets : les activités rejetées sont du même ordre de grandeur dans le Rhône (180 000 GBq/an) que dans la Loire (220 000 GBq/an), mais le débit moyen du Rhône (1 500 m3/s à Tarascon) est 2,5 fois plus élevé que celui de la Loire (666 m3/s entre Nantes et Angers).

Une étude plus détaillée du lien entre dilution des rejets et teneurs en tritium dans l’eau du robinet est disponible ici.

Côte d’Or

La dernière carte proposée concerne la Côte d’Or : il s’agit du seul département dans lequel (ou en amont duquel) ne se trouve aucune centrale électronucléaire, mais où plus de 5 communes présentent une teneur maximale en tritium de 10 Bq/l ou plus.

Le département de Côte d’Or comporte un site rejetant du tritium : le centre CEA de Valduc.

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D’après le livre blanc tritium, les rejets liquides de tritium sont nettement plus faibles que ceux des centrales électronucléaires : de 1 à 2 GBq/an. En revanche, il s’agit du site dont les rejets atmosphériques sont les plus importants : 140 000 à 320 000 GBq/ an entre 2017 et 2021. Ceci représente en moyenne 63% de la totalité des rejets de tritium atmosphériques en France, le second étant le site ORANO de La Hague (18%)4.

La présence de tritium dans les eaux de nappe de Côte d’Or avait été mise en évidence par la CRIIRAD en 1994. Citons le dossier consacré à ce sujet dans sa revue d’information d’alors, l’Info CRII-RAD n°4 de novembre 1995 : c’est dans le Centre d’Études Nucléaires de VALDUC que sont “fabriquées les têtes nucléaires de la force de frappe française. Le centre utilise du tritium, du deutérium, du plutonium et de l’uranium pour fabriquer les différents modèles de bombes. Il assure aussi la maintenance des armes, – en particulier des têtes thermonucléaires qu’il faut régulièrement recharger en tritium – et le recyclage des modèles déclassés, ce qui implique des opérations d’extraction particulièrement polluantes. Toutes ces activités génèrent des déchets et des rejets radioactifs dans l’environnement”.

La campagne de mesures réalisée par la CRIIRAD avait révélé la présence de teneur en tritium dans les eaux de source ou de nappe dépassant 10 Bq/l en plusieurs points.

D’après les analyses réglementaires effectuées entre janvier 2016 et février 2023, 14 communes du département sont toujours concernées. En élargissant à l’ensemble des points où du tritium est détecté, y compris de manière ponctuelle et à une activité maximale inférieure à 10 Bq/l, le phénomène touche 77 communes de Côte d’Or.


  1. “Bilan annuel de rejets de tritium pour les installations nucléaires de base de 2017 à 2021”, ASN, “Livre blanc tritium” (Mise à jour du 07/02/2023). ↩︎
  2. https://vu.fr/rxFCL ↩︎
  3. https://vu.fr/mLHIj ↩︎
  4. Le site ORANO de La Hague est très loin devant en termes de rejets liquides : 10 à 14 millions de GBq/an soit 93% des rejets (effectués en milieu marin). ↩︎