D’après les données téléchargeables sur data.gouv.fr et compilées par la CRIIRAD, pour la période janvier 2016 – février 2023, du tritium est détecté dans l’eau potable de près de 2 000 communes, représentant près de 15 millions d’habitants. Cet effectif est probablement sous-estimé, pour deux raisons : certaines communes ne sont pas contrôlées (ou les résultats ne sont pas publiés), et les techniques de mesure généralement employées ne sont pas assez sensibles.
Communes sans données
Pour 3 859 communes, on ne trouve aucun résultat d’analyse de tritium sur la période étudiée.
Parmi ces communes :
- 207 comptent moins de 50 habitants,
- 2 371 comptent de 50 à 499 habitants,
- 1 208 de 500 à 5 000 habitants,
- 73 plus de 5 000 habitants.
5 communes dépassent 30 000 habitants : Rezé (Loire-Atlantique), Saint-Quentin (Aisne) ainsi que trois communes de l’Oise, Creil, Compiègne et la préfecture, Beauvais (57 000 habitants). Ces dernières auraient dû faire l’objet d’au moins une analyse par an, voire 4 par an dans le cas de Rezé. Cette commune se trouve dans l’agglomération de Nantes, au bord de la Loire, en aval de toutes les centrales électronucléaires installées sur ce fleuve. À l’exception des Sorinières (8 900 habitants), qui ne comporte pas non plus de mesures, toutes les communes voisines de Rezé présentent des teneurs en tritium supérieures aux limites de détection dans plus de 75% des analyses. Le cas de la vallée de la Loire est étudié plus en détail ici.
Deux départements se distinguent du lot : l’Oise et l’Aisne.
L’Oise compte 679 communes ; seules 143 comportent des résultats (la plupart du temps un seul résultat par commune). Le constat est pire dans l’Aisne : seules 28 communes sur 798 comportent des résultats1.
Signalons qu’il n’est pas simple de connaître précisément la fréquence réglementaire d’analyse pour une commune donnée, puisque cette fréquence est définie par unité de distribution et non par commune. Par exemple, dans le cas de Beauvais, la commune est desservie par deux réseaux : Beauvais nord et Beauvais sud. Dans l’hypothèse où la commune serait divisée en deux parts égales, chaque réseau desservirait au moins 28 500 habitants (voire plus si le réseau dessert également d’autres communes), et aurait donc dû faire l’objet, sur la période étudiée, d’au moins 5 analyses.
Le constat de l’absence de données avait déjà été fait par la CRIIRAD en 2019. Visiblement, ce problème persiste malgré le signalement aux autorités. On ne sait toujours pas s’il s’agit d’un défaut de contrôle ou d’un défaut de publication. La CRIIRAD invite les personnes habitant dans les communes dépourvues de données à interroger l’antenne locale de l’Agence Régionale de Santé.
Sensibilité des mesures de tritium
Dans les eaux souterraines de faible profondeur, hors impact d’installations nucléaires, le “bruit de fond” actuel en tritium est de l’ordre de 1 Bq/l, maximum 2 Bq/l. Cette valeur correspond à la présence de tritium naturel d’origine cosmogénique et au reliquat des retombées des essais nucléaires dans l’atmosphère (particulièrement intenses dans les années 50-60).
Pour en savoir plus sur le “bruit de fond” tritium, consulter cette page.
Pour mettre en évidence tous les cas de contamination en tritium, il faut donc utiliser des techniques de mesure permettant d’atteindre une limite de détection de 2 Bq/l.
C’est le cas du détecteur à scintillation liquide que possède la CRIIRAD, mais la plupart des appareils utilisés pour les contrôles réglementaires sont moins précis : sur les 471 000 données disponibles sur la période considérée, 450 000 indiquent un résultat inférieur à la limite de détection, mais dans la quasi-totalité des cas (446 000 données), cette limite de détection est supérieure à 5 Bq/l.
Pour une majorité des données (318 000), elle est comprise entre 7 et 10 Bq/l : on ne peut pas affirmer que ces eaux ne sont pas contaminées par du tritium anthropique, mais simplement que s’il est présent, c’est à une teneur inférieure à 7 à 10 Bq/l (selon la limite de détection).
La généralisation de techniques de mesure plus sensibles que celles employées actuellement mettrait probablement en évidence de nombreux autres cas de contamination.