Eaux potables : des données difficiles à interpréter
Remarque préliminaire : fréquence des contrôles
La réalisation de contrôles radiologiques dans les eaux potables n’est imposée par la réglementation que depuis le 1er janvier 2005.
La fréquence des contrôles dépend du nombre de personnes desservies par l’unité de distribution d’eau potable.
Pour les plus petits réseaux (moins de 50 habitants desservis), une à deux analyses par décennie suffisent.
Pour les plus grands réseaux (plus de 300 000 habitants desservis), il est nécessaire d’analyser le tritium au moins 12 fois par an.
En cas de stabilité des résultats, le préfet peut décider de réduire la fréquence d’analyses, à condition que le captage ne soit pas situé “à proximité de sources radioactives artificielles ou naturelles susceptibles de modifier la qualité radiologique des eaux brutes”.
Dans tous les cas, les analyses devraient être effectuées au moins tous les 4 ans dans les réseaux desservant plus de 500 habitants, au moins tous les 2 ans au-delà de 5 000 habitants, etc.
Les autorités sont tenues de mettre les résultats à disposition du public.
Source du tableau : cf note1
Le site du ministère de la Santé
Toutes les données du contrôle sanitaire des eaux réalisées par les Agences Régionales de Santé (ARS) sont censées être regroupées et mises à disposition du public sur le site Orobnat.
La consultation de ce site est extrêmement fastidieuse. Le seul moyen d’accéder aux résultats est de faire défiler, par ordre chronologique, tous les bulletins d’analyse. Il est impossible de trier ou d’exporter les résultats. Sur un bulletin donné, on peut trouver les résultats d’analyse de plusieurs dizaines voire centaines de paramètres, non classés par ordre alphabétique, et le tritium n’en fait pas toujours partie car les fréquences d’analyse ne sont pas les mêmes pour tous les paramètres.
Prenons le cas de la ville de Valence (Drôme). Sur la page consultée le 29 novembre 2023 il était nécessaire de consulter 16 bulletins avant de trouver un résultat d’analyse de tritium.
Le bulletin en question, daté du 20 septembre 2023 8h16, comporte 13 pages et 346 paramètres analysés : température de l’eau, pH, fer total, benzène, métamitrone etc. Le tritium, 43e de la liste, se trouve sur la 3e page.
Pour les petites communes, la compilation de l’ensemble des données tritium n’est pas hors de portée à condition de s’armer de patience. Mais pour les plus grandes unités de distribution, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
En 2019, la CRIIRAD avait montré que pour un arrondissement de Paris, il fallait compter 3 heures pour récupérer la quinzaine de résultats annuels !
Data.gouv.fr
En juillet 2019, l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO) publiait une “carte exclusive de la contamination radioactive dans l’eau potable en France métropolitaine”. Les données avaient été “compilées par l’ACRO” mais “fournies par le Ministère de la Santé”, un second communiqué précisant que l’envoi provenait de la Direction Générale de la Santé (DGS).
Constatant des incohérences entre cette carte et les résultats d’un long travail de consultation des informations du site Orobnat qu’elle avait entamé à l’aide de ses adhérents, la CRIIRAD avait approfondi la vérification.
Pour ce faire elle avait demandé et obtenu de la structure Etalab (développeur de la plateforme d’open data data.gouv.fr) les jeux de données relatifs aux résultats du contrôle sanitaire de l’eau de distribution pour les années 2016 et 2017.
Sur la base de l’exploitation des bulletins du site Orobnat et des données de data.gouv.fr, la CRIIRAD avait identifié 860 communes alimentées par de l’eau dont une ou plusieurs analyses de 2016/2017 attestaient la contamination (862 si l’on ajoutait 12 communes de Guadeloupe non incluses dans l’étude comparative, la carte ACRO (DGS) étant limitée à la métropole).
619 de ces 860 communes ne figuraient pas sur la carte ACRO (DGS)2.
En novembre 2019, la CRIIRAD avait transmis à Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, le bilan de ses recherches relatives à l’information sur les contrôles réglementaires de tritium (lourdeur du site Orobnat ; absence de données pour de nombreuses communes ; incohérence entre la carte ACRO (DGS), Orobnat et data.gouv.fr). Elle n’a jamais reçu de réponse.
Sur le site data.gouv.fr, il est possible de télécharger l’ensemble des résultats du contrôle sanitaire de l’eau distribuée commune par commune depuis janvier 2016.
Ces données ne sont toutefois pas consultables directement.
Pour chaque année, elles sont réparties dans 3 fichiers, le premier pour les résultats d’analyse, le second pour les caractéristiques des prélèvements et le troisième pour le lien entre chaque commune et les unités de distribution qui la desservent.
Pour regrouper l’ensemble des résultats d’analyses d’un paramètre donné, il est nécessaire de passer par une étape de programmation en sql, langage informatique utilisé pour exploiter les bases de données.
La CRIIRAD a fait ce travail pour le tritium, en regroupant l’ensemble des données disponibles pour la période comprise entre janvier 2016 et février 2023, et en les mettant à disposition du public sur les pages France, vue d’ensemble et Zones géographiques les plus touchées.
Il convient toutefois de garder à l’esprit l’existence d’incohérences entre cette source et les informations du site Orobnat.
- Source : Arrêté du 11 janvier 2007 relatif au programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du code de la santé publique, modifié par l’arrêté du 4 août 2017. ↩︎
- Le détail de l’étude comparative est consultable dans le Trait d’Union n°84 de décembre 2019. ↩︎