Tritium dans l’eau potable : synthèse du dossier

Depuis 2005, le contrôle du tritium dans les eaux potables est obligatoire.

Les résultats des analyses réglementaires des eaux potables sont bien mis à disposition du public, mais soit sur le site Orobnat très fastidieux à consulter, soit, sur data.gouv.fr, sous forme de bases de données brutes ne pouvant être consultées telles quelles.

La CRIIRAD a extrait de ces bases et compilé l’ensemble des données relatives aux mesures de tritium effectuées entre janvier 2016 et février 2023. Elle les met à la disposition du public, sous forme de fichiers globaux et de cartes interactives.

En voici les principaux enseignements :

• Dans près de 2 000 communes, représentant près de 15 millions d’habitant·es, du tritium est détecté dans l’eau potable1.

Aval des centrales nucléaires

Le tritium est détecté dans 281 communes d’Île de France dont Paris, Boulogne-Billancourt, Nanterre, Vitry-sur-Seine, Créteil, Versailles…

On le trouve également dans de nombreuses communes du Val de Loire (Nantes, Angers, Tours, Orléans…), en vallée du Rhône (Lyon, Bollène), de la Garonne (Agen, Marmande), de la Vienne (Châtellerault).

Ces secteurs sont situés le long ou à proximité de cours d’eau dans lesquels une ou plusieurs centrales nucléaires, situées en amont, rejettent des effluents radioactifs. Le principal constituant de ces rejets est le tritium.

Côte d’Or (CEA Valduc)

Le tritium est également détecté dans 77 communes de Côte d’Or. Ce constat avait déjà été fait par la CRIIRAD dans les années 1990. Dans ce département se trouve le centre CEA de Valduc, où sont fabriquées les armes thermonucléaires. Il s’agit du site qui, de loin, rejette le plus de tritium en France par voie atmosphérique (60% de la totalité).

• La quantité de communes (et la population) concernées est probablement sous-estimée, pour deux raisons :

1/ Généralement, les techniques de mesure ne sont pas assez sensibles.

Le “bruit de fond” du tritium dans les eaux de surface et les nappes superficielles, hors influence des rejets actuels de l’industrie nucléaire, est de l’ordre de 0,1 à 1 Bq/l (pour plus de renseignements cf. page “Qu’est-ce que le tritium”).

Dès lors que la teneur en tritium dans une eau de distribution dépasse 2 Bq/l, on peut considérer que l’échantillon présente une contamination en tritium. Or la plupart des appareils utilisés pour les contrôles réglementaires ne sont pas suffisamment sensibles. Sur les 471 000 données disponibles, 446 000 présentent une limite de détection supérieure à 5 Bq/l. Dans 318 000 cas la limite de détection est encore plus élevée (entre 7 et 10 Bq/l) : on ne peut pas affirmer que ces eaux ne sont pas contaminées, mais simplement que si le tritium est présent, c’est à une teneur inférieure à 7 à 10 Bq/l.

2/ Certaines communes ne sont pas contrôlées (ou les résultats ne sont pas publiés)

Pour près de 4 000 communes, on ne trouve aucun résultat d’analyse de tritium sur la période étudiée. C’est notamment le cas de 5 communes dépassant 30 000 habitants, dont Beauvais (57 000 habitants), préfecture de l’Oise.

La fréquence des contrôles réglementaires pour un réseau d’eau potable dépend de la taille de la population desservie. Pour une commune de plus de 30 000 habitants, le contrôle doit être effectué au moins une fois par an. L’absence de résultats pendant 8 ans constitue donc clairement une anomalie. Pour les plus petites communes, la question reste posée, la fréquence réglementaire des analyses étant plus faible. La vérification de la situation de chaque commune sort du champ de cette étude ; elle relève de la responsabilité des autorités qui devraient notamment se pencher sur le cas des départements de l’Aisne et de l’Oise, quasiment absents de la base.

La CRIIRAD publie deux cartes interactives pour les communes dans lesquelles du tritium a été détecté.

La première regroupe l’ensemble des communes concernées, ce qui permet de disposer d’une vue d’ensemble.

La seconde pointe les communes dans lesquelles au moins deux résultats dépassent la limite de détection, et où la valeur maximale atteint ou dépasse 10 Bq/l. Elle montre le lien entre rejets liquides en eaux douces des centrales électronucléaires et présence de tritium dans l’eau potable. L’ampleur du phénomène est en cohérence avec les débits des cours d’eau et les rejets déclarés. C’est dans la Vienne en aval de Civaux qu’on trouve les teneurs en tritium les plus élevées. Vient ensuite la Loire, où le phénomène s’accroît d’amont en aval. En Île de France, c’est dans les communes desservies par l’eau de la Seine qu’on détecte du tritium. Le long du Rhône, les teneurs en tritium sont plus faibles, le débit de ce fleuve étant nettement plus élevé que les autres cours d’eau, mais l’impact reste mesurable.

La carte fait également apparaître le cas de la Côte d’Or, où se trouve le centre CEA de Valduc.

Des questions restent posées : quelle est l’origine des points de contamination ponctuelle situés hors des secteurs précités ? Quel est le lien entre la chronologie des rejets et les variations des teneurs en tritium dans les eaux potables ? La CRIIRAD invite toutes les personnes intéressées à aller plus loin, en se servant des données qu’elle met à disposition.


  1. Mise à jour au 8 décembre 2024 : ce dossier présente les résultats de l’étude faite par la CRIIRAD sur la période janvier 2016 – février 2023. En y ajoutant les données publiées depuis cette date, du tritium a été détecté au total dans l’eau du robinet de 2392 communes représentant 16,6 millions d’habitants.
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