Courrier adressé par la CRIIRAD au Préfet du Val de Marne le 18 février 2011 suite au témoignage d’une riveraine, adhérente de la CRIIRAD, faisant état du début des travaux de démolition de l’Ecole Marie Curie à Nogent-sur-Marne – Communiqué du 21 février 2011
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Monsieur le Préfet,
Plusieurs habitants de la ville de Nogent-sur-Marne viennent de nous alerter sur le fait que des travaux de démolition de l’ancienne école Marie Curie ont commencé depuis quelques jours.
Ces personnes s’inquiètent à juste titre de l’impact radiologique du chantier notamment en terme d’envol de poussières radioactives et d’émanation de radon.
Le fait que ces travaux aient été lancés sans concertation nous surprend.
En réponse à votre courrier du 20 mai 2010, nous vous avions en effet confirmé par courrier du 1er octobre 2010 que la CRIIRAD participerait aux travaux de la CLIS concernant les travaux de dépollution du site de l’ancienne école Marie-Curie de Nogent-sur-Marne.
Nous demandions également copie du dossier scientifique précisant le projet de dépollution, les objectifs d’assainissement, la méthodologie employée, le programme de surveillance de l’environnement, etc..
L’association CRIIRAD et son laboratoire ont effectué de nombreuses mesures et interventions sur le site à partir de 1991, aux côtés d’associations de parents d’élèves et de riverains, puis à partir de 1997, dans le cadre d’une expertise judiciaire et il est important pour nous de poursuivre le travail de vigilance.
Par courrier en date du 15 novembre 2010, vous nous aviez indiqué que les documents que nous demandions nous seraient adressés en même temps que l’invitation à la réunion de CLIS.
Or, sauf erreur de notre part, nous n’avons reçu ni invitation à une réunion de CLIS, ni dossier scientifique nous permettant d’apprécier le niveau de précautions prises pour la conduite de ce chantier.
Compte tenu de l’inquiétude légitime des riverains qui nous ont consultés, je vous serais reconnaissant de demander aux services compétents de nous adresser les documents permettant d’apprécier les précautions prises pour limiter les risques d’envol de poussières radioactives et les niveaux d’émanation du radon (gaz radioactif).
Le représentant de l’ANDRA avait indiqué en effet au cours de la réunion du comité de suivi de septembre 2010 que la société retenue pour les travaux « envisage de mettre une structure mobile de confinement en lieu et place du bâtiment, que cette structure sera mise en dépression et que cela ne posera aucun problème d’émission de poussières ou de radon pour le voisinage ». Or les photographies du chantier en cours, que vient de nous transmettre une riveraine, ne font pas apparaître de structure de confinement. Cette habitante précise en outre :
« Pendant les travaux, je ne peux aérer chez moi, tellement il y a de poussière ».
La question du confinement des poussières est extrêmement importante. En effet, certaines des terres contiennent des particules très actives. Un taux de contamination en radium 226 et ses descendants radioactifs de plus de 400 000 Bq/kg a été mesuré dans une particule prélevée par la CRIIRAD en 1996 dans un massif de fleur au nord de l’école élémentaire. La dispersion dans l’environnement de ces particules chaudes peut présenter des risques radiologiques importants par inhalation et par ingestion. L’ingestion par un enfant de 5 ans de ce type de particules le conduirait à subir par exemple une dose de 2 milliSieverts nettement supérieure à la dose maximale annuelle admissible.
En ce qui concerne les risques liés au radon 222, il est utile de rappeler que la CRIIRAD avait mesuré(1), en mars 1998, dans les vides sanitaires de l’école maternelle et de l’école élémentaire ( à l’entrée des extracteurs), des concentrations de 40 000 à 50 000 Bq/m3.
Sur le toit de la maternelle, la concentration en radon était de 15 000 Bq/m3 à moins de 2 mètres des tourelles d’extraction. Les mesures réalisées à cette époque indiquaient une activité en radon 222 supérieure au bruit de fond naturel, dans l’air extérieur, au niveau du rez-de-haussée et du premier étage des logements de fonction, rue Hoche, mais ne permettait pas de conclure(2) à une augmentation mesurable de l’activité du radon 222 en vis-à-vis des extracteurs de l’école maternelle, au niveau du 3eme étage rue Hoche.
Néanmoins, compte tenu des taux de rejet de radon très élevés effectués par les extracteurs (estimés à 60 millions de becquerels par heure pour les extracteurs du toit de l’école maternelle), la CRIIRAD considère que des mesures détaillées de l’activité volumique du radon 222 doivent être effectuées en périphérie du chantier. Nous aurions besoin également d’informations sur les éléments suivants :
· Les mesures(3) radiologiques réalisées en limite de propriété autour du site avant le démarrage des travaux et les premiers résultats obtenus pendant les travaux.
· Les précautions prises pour limiter les infiltrations d’eau au contact des déchets radioactifs en cas de destruction des surfaces goudronnées et bétonnées qui les recouvrent.
· Les résultats des mesures radiochimiques effectuées dans les eaux souterraines en amont et aval hydraulique du chantier. L’évaluation des transferts possibles de radon via le sous-sol, vers les propriétés proches du site.
· L’arrêté préfectoral encadrant ce chantier
. Compte tenu du contexte, je vous serais reconnaissant de nous préciser sous quel délai ces documents peuvent nous être adressés. Je reste à votre disposition pour toute précision et vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de ma sincère considération.
Pour la CRIIRAD Le responsable du laboratoire
Bruno CHAREYRON
Note : copie de ce courrier est adressée en particulier à la Mairie de Nogent-sur-Marne, à l’ASN, à l’association des riverains du site Marie Curie et à des citoyens concernés.
1. Rapport CRIIRAD N°980518-Phase 2 / Risques liés à l’inhalation du radon 222 et des poussières radioactives sur le groupe scolaire Marie Curie à Nogent-sur-Marne / Etude effectuée par le laboratoire de la CRIIRAD à la demande de
l’expert judiciaire / Auteur : B. Chareyron / Mai 1998.
2. Nous avions recommandé à l’époque que soient réalisées des études complémentaires sur la dispersion du radon dans le quartier. Nous n’avons pas été destinataires des résultats.
3 . La réalisation de telles mesures est annoncée dans le compte rendu du comité de suivi « Réhabilitation du site de l’ancienne école Marie-Curie » du lundi 6 septembre 2010 Nogent-sur-Marne.