Qu’est-ce que le tritium ?

D’où vient le tritium ?

Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène. Lors de sa désintégration il émet un rayonnement bêta de faible énergie et se transforme en hélium. Il possède les mêmes propriétés chimiques que l’hydrogène ce qui le rend extrêmement mobile dans l’environnement.

Tritium naturel, tritium artificiel

Le tritium est présent à l’état naturel : il est fabriqué en continu dans l’atmosphère par interaction du rayonnement cosmique (protons et neutrons) avec les noyaux d’azote et d’oxygène présents dans l’air. Selon l’UNSCEAR1, l’inventaire global du tritium à l’état naturel est de 1 300 PBq (1,3 milliard de GBq2). L’essentiel de ce tritium est transformé en eau tritiée et participe au cycle de l’eau. Les concentrations sont de l’ordre de 0,6 becquerel de tritium par litre (Bq/l) dans l’eau de pluie, et 0,1 à 1 Bq/l dans les océans et les eaux de surface des continents. Dans les eaux de nappes phréatiques, la valeur de 0,1 Bq/l est fréquemment citée, mais la teneur peut être plus élevée dans les nappes superficielles en relation avec des cours d’eau le long desquels sont implantés des sites rejetant du tritium, ou plus faible dans le cas des nappes anciennes profondes.

Le bruit de fond comporte également une composante artificielle. La principale source correspond aux essais nucléaires aériens réalisés de 1945 à 1963, qui ont libéré dans l’environnement des quantités colossales de produits radioactifs et notamment de tritium provoquant une contamination à l’échelle de la planète. Au total 240 000 PBq (240 milliards de GBq) de tritium ont été libérés. Du fait de la décroissance radioactive du tritium, dont la période est de 12,3 ans, il reste actuellement de l’ordre de 10  milliards de GBq de tritium, “répartis pour la plus grande partie dans les océans, ainsi que dans les eaux continentales et l’atmosphère, sous forme d’eau tritiée”3. Dans l’eau de pluie, l’activité mesurée en France est aujourd’hui de l’ordre de 1 Bq/l (dans les années 60, elle atteignait plusieurs centaines de Bq/l dans l’hémisphère Nord).

Au bruit de fond naturel et artificiel s’ajoutent les rejets actuels de l’industrie nucléaire civile et militaire

La plus grosse quantité de tritium est produite dans les réacteurs nucléaires par fission ternaire de l’uranium, mais elle reste contenue dans les barres de combustible qui “ne participent qu’à hauteur d’environ 0,01% à la contamination de l’eau du primaire”4. Ce tritium est relargué dans les usines de retraitement de combustible usé, lors de la section et de la dissolution des barres. En France, c’est l’usine de retraitement ORANO de La Hague (Manche) qui rejette de loin les quantités les plus importantes de tritium. Les rejets annuels sont de l’ordre de 12 millions de GBq sous forme liquide en milieu marin, et 60 000 GBq par an sous forme gazeuse.

Dans les centrales nucléaires, le tritium présent dans le circuit primaire provient pour l’essentiel de l’activation neutronique du bore (modérateur neutronique) et du lithium (régulateur de pH). Compte tenu de sa mobilité, il n’existe pas de technique industrielle permettant de piéger efficacement le tritium. Il est donc rejeté dans l’environnement. Le tritium représente ainsi plus de 99% de la radioactivité rejetée par voie liquide et il est un des principaux constituants des rejets radioactifs à l’atmosphère (avec les gaz rares et le carbone 14).

La quantité de tritium rejetée par les centrales augmente notamment avec l’énergie produite par le réacteur : un réacteur de 1 300 MWe5 rejette environ 3 fois plus de tritium qu’un réacteur de 900 MWe. Sur la période 2017-2021, les rejets annuels moyens de tritium du parc électronucléaire français se sont élevés à environ 1 million de GBq sous forme liquide (deux tiers en eaux douces et le tiers restant en milieu marin) et 23 000 GBq sous forme gazeuse.

Avec l’évolution du mode de gestion des combustibles nucléaires dans le parc actuel qui vise l’augmentation des “taux de combustion” en vue d’optimiser l’utilisation du combustible et les arrêts de tranche, les rejets de tritium tendent à augmenter. Le développement de projets tels que l’EPR6 (puissance prévue de 1 650 MWe) et ITER7 ne présage pas d’une amélioration de la situation.

S’agissant des rejets atmosphériques, c’est le centre CEA de Valduc (Côte d’Or), où sont fabriquées les armes thermonucléaires, qui vient en tête : environ 200 000 GBq par an soit plus de 60% de l’ensemble des rejets atmosphériques de France (le site rejette également 1 à 2 GBq/an sous forme liquide).

Encadrement des rejets

Les rejets de tritium des installations nucléaires de base sont encadrés par l’ASN. Les prescriptions comprennent des limites annuelles de rejets, fixées pour l’ensemble des réacteurs de la centrale, par exemple 45 000 à 100 000 GBq/an selon le site pour les 4 centrales implantées le long de la Loire), mais également des taux de dilution avant rejet, des débits d’activité au point de rejet, ainsi que des teneurs maximales dans l’environnement en aval du site (les valeurs généralement retenues sont 280 Bq/l en moyenne horaire à mi-rejet, 140 Bq/l en moyenne journalière en période de rejet et 100 Bq/l en moyenne journalière hors rejet).

Si le cours d’eau est utilisé pour l’approvisionnement en eau potable, le tritium va nécessairement se retrouver dans l’eau de boisson des communes concernées.


  1. United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation. ↩︎
  2. 1 petabecquerel ou PBq= 1015 Bq, soit 1 million de milliards de becquerels ; 1 gigabecquerel ou GBq = 109 Bq soit 1 milliard de becquerels. ↩︎
  3. ASN, « Livre blanc tritium », mise à jour du 07/02/2023 ↩︎
  4. J.-C. Zerbib, « Le tritium produit dans les réacteurs nucléaires », La gazette nucléaire, mai 2017, https://vu.fr/OPUzv ↩︎
  5. MWe : Méga Watt électrique ↩︎
  6. EPR : réacteur européen à eau pressurisée ou Evolutionary Power Reactor. ↩︎
  7. International Thermonuclear Experimental Reactor ou réacteur thermonucléaire expérimental international. D’après l’ASN les rejets annuels de tritium estimés pourraient être 100 fois supérieurs aux rejets des réacteurs actuels. ↩︎