Centrale de Cruas (4 réacteurs en circuit « fermé ») © André Paris 2003
Le parc nucléaire français actuel a été mis en service entre 1977 et 2000. Depuis, compte tenu du réchauffement climatique, la France ne cesse d’assouplir les règles en matière de rejets thermiques, pour éviter de devoir subir des ruptures d’approvisionnement électrique.
Mais la solution consiste-t-elle vraiment à continuer à baisser les exigences réglementaires au fur et à mesure que le climat se dégrade ? La poursuite du fonctionnement des centrales nucléaires ne nous maintiendrait-elle pas plutôt dans un cercle vicieux, étant donné que leurs rejets thermiques participent au réchauffement climatique ?
D’après une étude thermique du Rhône publiée par EDF en 2016, entre 1977-1987 et 1988-2010, la part du réchauffement du Rhône due aux centrales nucléaires est de 33% (0,5°C sur 1,5°C) en amont de SaintAlban (en aval du Bugey), et de 52% (1,2°C sur 2,3°C) à Aramon en aval de Tricastin. En prenant 1920-1977 comme référence, l’impact des centrales nucléaires estimé par modélisation7 est encore plus important (50% à l’amont de Saint-Alban et 86% à Aramon).
Notons que cela n’empêche pas EDF d’indiquer en 2020, en contradiction avec ses propres travaux : « le régime thermique du Rhône s’est échauffé sur la période 1920-2010 […]. Cette évolution s’explique principalement par le réchauffement climatique, et dans une moindre mesure, par les rejets thermiques des centrales électriques mises en service dans le courant des années 1980 »8.
S’agissant des rejets thermiques en mer, l’impact est loin d’être négligeable. D’après un article chinois paru en 20219, l’augmentation des températures maritimes côtières causée par les centrales thermiques chinoises (nucléaires et à charbon) concerne plusieurs dizaines à plusieurs centaines de km² autour de chaque site. Elle représente l’équivalent de plusieurs années à plusieurs décennies de l’augmentation liée au réchauffement climatique global.
Comme l’indique cet article chinois : « ces dernières années, des études ont montré que les rejets thermiques [des centrales côtières thermiques et nucléaires] présentent de larges similitudes avec le réchauffement climatique en termes d’impacts sur les écosystèmes marins régionaux ». Ces impacts concernent « l’effectif et la structure communautaire du phytoplancton, du zooplancton, du macrobenthos10, des animaux nageurs, ainsi que sur leur habitat mais également sur les activités de recherche de nourriture des oiseaux de mer ».
Rédaction : Julien Syren
7 Les températures du Rhône ne sont mesurées que depuis 1977.
8 EDF, « Centrales nucléaires et environnement », édition 2020, p. 189.
9 Lin J. & al., « Quantitative estimation of sea surface temperature increases resulting from the thermal discharge of coastal power plants in China », Marine Pollution Bulletin 164 (2021) 112020 .
10 Partie du plancton visible à l’œil nu