Constat radiologique minier du bassin versant de la Dordogne : le jeu des 13 erreurs

Un jeu conçu par la CRIIRAD
à partir du rapport d’expertise
publié en mai 2016 par l’IRSN :

« Constat radiologique minier
du bassin versant de la Dordogne »

L’Institut de radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) se présente comme « l’expert public national des risques nucléaires et radiologiques » et décrit son travail sur la Dordogne comme un « constat pilote », un rapport dont la présentation a été particulièrement soignée, la restitution des résultats ayant fait l’objet de réunions spécifiques avec les acteurs locaux.

La réalité est bien différente : nous avons identifié des dizaines d’anomalies dans ce rapport d’une cinquantaine de pages. Pour le jeu ci-dessous, nous avons retenu les erreurs dont le dépistage ne nécessite pas de connaissances scientifiques préalables, mais plutôt de l’attention et de perspicacité. Lorsque ce n’est pas le cas, des indices doivent permettre à chacun de disposer des informations utiles à la résolution du problème.


Question n°1

La figure 24 (page 38 du rapport IRSN) présente les teneurs en uranium 238 des sédiments. Dans le graphique de gauche, l’activité moyenne du bassin versant de la Dordogne (36,8 Bq/kg) est comparée à celle de l’environnement général et à celle d’un site minier. Dans le graphique de droite, les résultats du bassin versant de la Dordogne sont détaillés par secteur géographique. Une erreur s’est visiblement glissée dans cette figure. Saurez-vous trouver laquelle ?

Ne cherchez pas dans le rapport, la réponse est sous vos yeux.

Les 2 graphiques de la figure 24 présentent les teneurs de l’uranium dans les sédiments. Le sous-titre du graphique de droite indique par erreur « radium » au lieu d’uranium.


Question n°2

Une erreur s’est glissée page 35 du rapport où l’IRSN présente les concentrations de l’uranium dans l’eau. Il y a en effet une contradiction entre le texte et le graphique.  En examinant les extraits ci-dessous, saurez-vous trouver laquelle ?

Ne cherchez pas dans le rapport, la réponse est sous vos yeux.

Le texte indique, pour le secteur Aquitaine, une concentration moyenne de 0,53 µg/L. Or, sur le graphique le point est placé nettement au-dessus de la ligne de 0,6 µg/L (probablement à 0,63 µg/L). Impossible de savoir laquelle des deux valeurs est la bonne.


Question n°3

Une erreur s’est glissée dans la figure 31 (page 42 du rapport IRSN) qui présente les concentrations en uranium de l’eau de la Dordogne, « depuis le barrage de Bort-les-Orgues, dans la Cantal, jusqu’à l’embouchure de la Garonne ». Il y a une contradiction entre le titre et le contenu du graphique.  Saurez-vous trouver laquelle ?

Indice : l’examen de la carte présentée à la figure 30 (page 42 du rapport IRSN ) pourrait vous être utile.

Le graphique ne présente pas les concentrations en uranium de la Dordogne depuis l’aval de la confluence avec la Vézère moins de 300 km de l’embouchure de la Garonne) mais depuis le barrage de Bort-les-Orgues500 km de l’embouchure)


Question n°4

Des erreurs se sont glissées page 40 du rapport où l’IRSN présente les concentrations en uranium mesurées dans l’eau du sous-bassin versant de la Glane de Servières. Des informations qui figurent dans le texte ont été oubliées dans le graphique et il y a surtout des contradictions entre les résultats mentionnés dans le texte et ceux qui figurent dans le graphique. Saurez-vous les identifier  à l’aide des extraits ci-dessous ?

Ne cherchez pas dans le rapport, la réponse est sous vos yeux.

Les barres d’erreurs (qui renseignent sur la précision de la mesure) ont été oubliées sur 2 points du graphique (E37b et E24A) ; plus grave, les points E50 et E24A ont une concentration en uranium de 0,01 µg/L d’après le texte mais de 0,08 µg/L (près de 10 fois plus) dans le graphique. De plus, la posi-tion du point E37b ne correspond pas à 0,18 µg/L, comme l’indique le texte, mais à 0,13 ou 0,14 µg/L. Ajoutons que le point E37b étant un point amont, il aurait été plus clair d’ajouter des valeurs négatives à l’axe des distances afin de le positionner avant le site de la Besse.


Question n°5

Trois anomalies (deux oublis et une erreur) se sont  glissées dans le graphique de la figure 27, page 39 du rapport IRSN, qui présente la concentration de l’uranium dans l’eau du Riou-Tort. Saurez-vous trouver lesquelles ?

NB de la CRIIRAD : contrairement à ce qui est indiqué, tous les résultats ne se rapportent pas au Riou-Tort. Ce problème n’est pas traité ici mais dans le « casse-tête des prélèvements », à la question n°13.

Ne cherchez pas dans le rapport, la réponse est sous vos yeux.

Même oubli que précédemment : il manque les barres d’erreurs sur 2 points du graphique (E44 et E49) ; de plus deux points, situés pourtant à plusieurs centaines de mètres de distance, portent par erreur la même référence : E42.


Question n°6

Le graphique reproduit ci-dessous est extrait de la figure 29, page 41 du rapport IRSN. Il concerne l’eau prélevée dans le sous-bassin versant de la Dronne, secteur qui abrite les anciennes mines d’uranium de Martin, Puymangou et Chantemerle I et II (secteur Aquitaine). Il permet de visualiser les concentrations en uranium (en µg/L sur l’échelle de gauche) et l’activité bêta global (en Bq/L sur l’échelle de droite). Une erreur s’est glissée dans les indications géographiques. Saurez-vous trouver laquelle ?

Indice : vous trouverez des informations utiles à la page 32 et à la page 33 du rapport (la liste des secteurs miniers dans le texte et leur localisation sur la carte de la figure 17, avec mention de l’échelle kilométrique).

Les distances ne doivent pas être indiquées par rapport au site minier de la Besse (qui se trouve à plus de 400 km de la Garonne) mais par rapport à la mine de Puymangou (à proximité de la Dronne).


Question n°7

La figure 33 présente les résultats d’analyse de denrées alimentaires (champignons, poissons…). Sur le graphique de gauche, l’IRSN a indiqué les valeurs retenues pour le Constat Dordogne : il s’agit des activités moyennes pondérées établies à partir des résultats détaillés dans le graphique de droite. Certaines contradictions sont flagrantes. Saurez-vous trouver lesquelles ?

Pour chacun des 4 radionucléides de la chaîne de l’uranium 238 (plomb 210, polonium 210, thorium 234 et bismuth 214), il est impossible de parvenir à la moyenne de gauche à partir des 6 résultats de droite. Par exemple, pour le bismuth 214 (214Bi, barres noires), l’IRSN retient, à gauche, une valeur moyenne retenue comprise entre 10 et 100 Bq/kg. Or, les 6 résultats détaillés à droite ne permettent pas d’arriver à une moyenne supérieure à 10 Bq/kg : les 2 résultats les plus élevés sont en effet de 10 Bq/kg, et il faut leur ajouter 2 résultats entre 1 et 10 Bq/kg, 1 résultat entre 0,1 et 1 Bq/kg et 1 résultat inférieurs à 0,1 Bq/kg ! La moyenne est nécessairement inférieure à 10 Bq/Kg (il faudrait déterminer s’il s’agit d’une erreur dans les échelles ou si l’anomalie provient du système  le système de pondération de l’IRSN, mais l’absence de mention des incertitudes nous empêche de vérifier les calculs).


Question n°8

Pages 24 à 32 de son rapport, l’IRSN présente les différents bassins versants : les sites miniers concernés sont présentés dans le texte, localisés sur la carte et listés dans le tableau. Une erreur s’est glissée  à la page 31 où sont présentés les sites miniers du sous-bassin versant de la Cère, un affluent rive gauche de la Dordogne. À l’aide des extraits ci-dessous, saurez-vous trouver laquelle ?

L’IRSN a oublié dans son texte et son tableau l’ancienne mine d’uranium de Lasbordes, pourtant indiquée sur la carte et sur le schéma de la page 23 (22 mais La Besse est mentionnée 2 fois).


Question n°9

Des erreurs se sont glissées dans la représentation de la chaîne de désintégration de l’uranium 238 que l’IRSN publie page 8 de son rapport. Saurez-vous trouver celle qui concerne le descendant de l’uranium 238 ?

Indice :
Le nombre de protons présents dans le noyau d’un atome détermine la nature de l’élément :

  • 1 pour l’hydrogène ; 26 pour le fer ;
  • 82 pour le plomb ;  84 pour le polonium ;
  • 88 pour le radium ; 90 pour le thorium, etc.

Le noyau des atomes d’uranium 238 est composé  de 92 protons et de 146 neutrons.
Son nombre de masse est donc de 238 (92 + 146 = 238).
L’uranium 238 se désintègre en expulsant de son noyau une particule alpha composée de 2 neutrons et de 2 protons.
Le noyau résultant de la désintégration est donc modifié en conséquence. Peut-il s’agir d’un noyau de radium 226 ?

Réponse : la désintégration de l’uranium 238 donne naissance à du thorium 234 (90 protons et 144 neutrons) et non pas à du radium 226. Au total, 4 radionucléides s’intercalent entre l’uranium 238 et le radium 226 : thorium 234 => protactinium 234 => uranium 234 => thorium 230 => radium 226.
L’IRSN aurait dû préciser « représentation simplifiée » ou ajouter un symbole sur les flèches des filiations  incorrectes (par ex. U238 —- //—> Ra 226).


Question n°10

Il y a une incohérence entre le nombre de sites miniers que l’IRSN attribue au bassin versant de la Dordogne à la page 17 de son rapport IRSN et le nombre de sites que l’on peut comptabiliser dans les tableaux des pages 24 à 32 (attention un même site peut figurer 2 fois). Saurez-vous trouver laquelle ?

23 sites sont mentionnés page 17 alors que les tableaux n’en répertorient que 21 (attention de ne pas compter La Besse 2 fois).


Question n°11

À la page 43 de son rapport, qui traite des denrées (alimentaires), l’IRSN écrit que « les activités des principaux radionucléides de la chaîne de l’uranium 238 mesurées dans les denrées analysées dans le cadre du constat sont toutes du même ordre de grandeur (figure 32).». Cette phrase comporte deux erreurs, l’une de forme, l’autre de fond. Saurez-vous trouver lesquelles en examinant les extraits ci-dessous ?

Soyez attentifs : l’échelle utilisée est une échelle logarithmique dont la lecture peut être trompeuse.

Indice 1 : deux valeurs sont  du même ordre de grandeur si le quotient de la plus grande par la plus petite est compris entre 1 et 10 ;  Indice 2 : le potassium 40 n’appartient pas à la chaîne de l’uranium 238 à la différence    du plomb 210 (210Pb), du polonium 2010 (210Po), du thorium 234 (234Th) et du bismuth 214 (214Bi).

Erreur de forme : le texte renvoie à la figure 32 alors que la bonne référence est la figure 33.
Erreur de fond : contrairement à ce qu’écrit l’IRSN, « les activités des radionucléides de la chaîne de l’uranium 238 mesurées dans les denrées analysées » ne sont pas toutes du même ordre de grandeur : il y a même un facteur 100 (2 ordres de grandeur) entre l’activité du bismuth 214 dans la tome (< 0,1 Bq/kg) et le gardon ((10 Bq/kg). Il y a également des écarts de plus d’un ordre de grandeur entre les radionucléides d’une même denrée (dans la tome par exemple, entre l’activité du polonium 210 et celle du bismuth 214). L’absence d’indication sur les incertitudes ne permet pas d’apprécier la précision des résultats.


Question n°12

Concernant le secteur minier de la Besse, l’IRSN indique (p 40 de son rapport) qu’il a utilisé, en complément des prélèvements de son étude, le résultat de prélèvements d’eau effectués dans le cadre d’une étude antérieure, référencée « IRSN 2010 ». Il précise à ce propos : « les points situés en amont et en aval immédiat de la verse [à stériles miniers], à la sortie de la buse, servent de référence et sont complémentaires au plan d’échantillonnage. » Lorsque l’on se reporte à la figures 27 où ces résultats notés « IRSN 2010 » ont été ajoutés, on constate que les données ne correspondent pas à ce qu’annonce l’IRSN dans le texte. Saurez-vous identifier l’incohérence ?

L’IRSN annonce l’ajout de 2 résultats, l’un pour un échantillon prélevé en amont de la verse à stériles ; l’autre en aval immédiat. Or un seul résultat est reporté (0,8 µg/L) sans que l’on sache s’il s’agit de l’amont ou de l’aval de la verse du site de La Besse.


Question n°13

Il est écrit, page 9 du rapport IRSN que « Le radium 226 est un descendant de l’uranium 238 qui est toujours à l’équilibre avec ses descendants ». Cette petite phrase contient une grosse erreur.  Saurez-vous trouver laquelle ?

Vous pouvez vous aider des propres résultats de l’IRSN : page 43, figure 33, graphique de droite. Comparez l’activité du radium 226, que l’IRSN a évalué à partir de celle du bismuth 214 (Bi 214), à celle de ses deux descendants : le plomb 210 (Pb 210) et le polonium 210 (Po 210).

Le radium 226 n’est pas forcément à l’équilibre avec ses descendants. Les déséquilibres, y compris avec ses descendants à vie courte, imposent de prendre des précautions en matière de métrologie lorsque l’on veut évaluer l’activité du radium 226 à partir de celle du bismuth 214 ou du plomb 214. Par ailleurs, un déséquilibre est souvent constaté dans l’environnement, entre le radium 226 et le plomb 210.


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