Affaire de la contamination de l’air ambiant par l’iode 131 en Europe : il y a urgence à vérifier le degré de contamination dans l’environnement du site Hongrois et à prendre localement des mesures de radioprotection
A propos de la détection d’iode 131 dans l’air ambiant en Europe, la CRIIRAD indiquait dans un communiqué de presse du 16 novembre : « Le plus préoccupant est le fait que plusieurs semaines après le début de la contamination, aucune autorité, ni au niveau international, ni au niveau national de quelque pays que ce soit, n’a été en mesure de désigner l’origine de la contamination. Il y a urgence car les populations proches de la source pourraient avoir été et être encore exposées à des doses importantes.
S’agissant de l’iode 131 rejeté dans l’atmosphère, les doses subies par ingestion dans les jours suivant le rejet peuvent être plus élevées que celles liées à l’inhalation. Des irradiations inutiles peuvent donc être encore évitées si les populations concernées sont informées et que des mesures de protection sont prises ».
Nous avons appris le 17 novembre par un communiqué de l’AIEA que l’Autorité à l ’Énergie Atomique Hongroise (HAEA) avait informé l’agence onusienne du fait que la source des rejets d’iode 131 était très probablement un institut de production de radioisotopes à Budapest. Les rejets seraient intervenus du 8 septembre au 16 novembre 2011.
[source : http://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/2011/prn201127.html ]
Selon les informations publiées sur le site officiel HAEA, l’institut de production de radioisotopes (Izotop Intezet) disposerait d’une autorisation de rejets annuels de 1 600 GBq soit 1 600 milliards de Becquerels. La traduction du texte ne nous permet pas de savoir si cette autorisation concerne l’ensemble des substances radioactives ou spécifiquement l’iode 131. Il serait nécessaire de disposer des autorisations de rejet officielles pour s’en assurer. Cependant le directeur de l’institut se réfère à cette limite pour indiquer que les rejets d’iode 131 effectués depuis le début de l’année (624 GBq) sont à 39 % de l’autorisation annuelle, ceci conforte l’idée que les 1 600 GBq peuvent concerner l’iode 131.
Selon le directeur de cet institut, l’installation aurait rejeté 300 GBq d’iode 131 à l’atmosphère de janvier à mai 2011. Elle aurait ensuite été arrêtée de juin à fin août compte tenu de niveaux de rejets radioactifs anormalement élevés, puis redémarrée fin août. La question de savoir si de nouveaux systèmes filtrants ont été mis en place et testés n’est pas claire. Les autorités indiquent en tout cas un rejet de 324 GBq d’iode 131 entre septembre et le 16 novembre. Il s’agit d’une valeur très élevée.
[source : http://www.haea.gov.hu/web/v2/portal.nsf/hirek_hu/192B87A50B67A20EC125794B00269FD0 (lien désactivé) et http://www.izotop.hu/ ]
Un rejet d’iode radioactif de 300 + 324 GBq soit 624 GBq tel que celui déclaré par Izotop Intezet pour l’année 2011 est en effet 28 300 fois supérieur aux rejets d’iode radioactif effectués en 2009 par la centrale électronucléaire du Tricastin (France) et 130 fois supérieur à ceux effectués par l’usine de retraitement de la HAGUE (voir tableau ci-dessous).
Un rejet de 624 GBq d’iode 131 est susceptible de conduire à des doses inacceptables pour la population locale. Pour calculer les doses, il faudrait connaître la répartition des rejets dans le temps, la hauteur du point de rejet, les conditions météorologiques,déterminer s’il existe des espaces cultivés et des champs dans les environs.. Nous ne disposons pas de ces éléments. Mais à titre de comparaison, il est utile d’indiquer que les autorités belges responsables de la fixation des autorisations de rejet en iode 131 de l’IRE (Institut national des Radioéléments) à Fleurus considéraient qu’une dose efficace de 1 milliSievert correspondait à un rejet annuel de 279 GBq (conditions de rejet classiques) ou à un rejet concentré de 84 GBq sur 35 jours.
Dans le cas de l’institut de Budapest, les populations locales pourraient donc subir une dose nettement supérieure à 1 milliSievert c’est-à-dire à la dose maximale annuelle admissible préconisée au niveau international (CIPR).
La CRIIRAD demande donc que soit lancée en urgence une expertise du niveau de contamination en iode 131 dans l’environnement du site à Budapest et que, en l’attente des résultats, il soit demandé aux populations locales de ne pas consommer les produits végétaux et les produits laitiers d’origine locale.
Outre la contamination par l’iode 131, il est important de vérifier également les niveaux de rejets pour d’autres substances radioactives (autres produits de fission et d’activation) sans omettre les gaz rares, le tritium et le carbone 14. L’iode 131 est en effet extrait à partir de matériaux irradiés par un réacteur nucléaire qui jouxte l’institut des isotopes.
Il convient de vérifier rapidement si le dispositif de mesure des rejets de ces installations (réacteur nucléaire et institut des radioisotopes) est fiable et si la quantité de rejet d’iode 131 annoncée n’a pas été sous-estimée.
Il conviendra également de traiter les dysfonctionnements graves que révèlent cette affaire : fixation d’autorisations de rejet très élevées (*), défaut de maîtrise des rejets, manque de transparence, défaut de protection des populations.
Rédaction : Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, responsable du laboratoire de la CRIIRAD (Valence, le 20/11/11)
Comparaison des autorisations de rejet et rejets effectifs en iode radioactif de diverses installations
(*) Comme indiqué dans le tableau, ces autorisations de rejets d’iode radioactif sont très élevées, par comparaison à celles d’autres installations nucléaires : 1 000 fois plus que celles de la centrale nucléaire du Tricastin dans la vallée du Rhône en France (4 réacteurs électronucléaires de 900 MW de puissance) et 88 fois plus que celles de l’usine de retraitement AREVA à la Hague (France).