Au cours d’une conférence de presse à laquelle étaient conviés les services des ministères de la Santé, du Logement et de l’Environnement, la préfecture de l’Essonne et les élus locaux, la CRII-RAD a rendu publics, ce jour, les résultats des contrôles radiologiques effectués dans une maison de Gif-sur-Yvette.
Ces contrôles ont été réalisés fin 99, à la demande des propriétaires. Lors de l’achat de la maison, en 1964, aucune réserve n’avait été faite sur la salubrité de la construction. Dix ans plus tard, en 1974, les propriétaires apprennent que leur terrain a été pollué par les activités de l’ancien propriétaire, la Société Nouvelle du Radium, entreprise spécialisée dans la fabrication de sources radioactives pour la recherche et la médecine. En 1975, des travaux de décontamination sont effectués par le centre d’études nucléaires de Saclay (décapage du sol extérieur, protection en plomb et béton au sous-sol et rez-de-chaussée). La maison est ensuite réputée sans danger sous réserve de ne pas creuser le sol.Depuis lors, malgré de nombreuses démarches, l’administration s’en tient à ce bilan, encore confirmé en février 1999 par l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI) : “Cette situation n’est pas anodine, mais elle n’est pas sanitairement dangereuse”.
Les résultats des mesures
- La terre est contaminée
Les analyses par spectrométrie gamma réalisées sur 4 échantillons de sol prélevés en plusieurs points chauds du jardin ont révélé des teneurs en radium 226 de 100 fois à 1 000 fois supérieurs à la normale. Les niveaux de radioactivité (1) sont compris entre 40 000 et 500 000 Bq/kg (au lieu de 1 000 Bq/kg pour un sol normal) et apparente les échantillons analysés à des déchets radioactifs devant être pris en charge par l’ANDRA (déchets de catégories TFA, très faible activité, et FA, faible activité).
- Le sol émet des rayonnements anormalement élevés
Les mesures radiamétriques ont révélé la présence de zones irradiantes, en particulier dans la cave et les garages du rez-de-chaussée : le flux de rayonnement atteint 12 500 coups par seconde (le niveau habituel se situe autour de 50 c/s) et le débit de dose 12,4 microsievert par heure (le niveau attendu se situe autour de 0,1 µSv/h). Le surcroît d’irradiation est mesurable dans toutes les pièces à vivre du premier étage et, à un niveau moindre, du second étage.
- La contamination de l’air par le radon
Les niveaux de radon 222 (gaz radioactif généré par la désintégration du radium 226) sont excessivement élevés : ils dépassent 60 000 Bq/m3 à la cave et sont compris entre 1 700 et 17 000 Bq/m3 dans les pièces à vivre du premier et du second étage. Rappelons que la teneur moyenne en radon des habitations de l’Essonne, et plus largement de la région parisienne, se situe entre 20 et 50 Bq/m3 (chiffres IPSN).
L’évaluation des risques
Les doses subies par les habitants de la maison du fait de la pollution radioactive du sol peut être évaluée à 80 mSv/an.
Cette valeur est très supérieure à la limite annuelle maximale admissible pour les personnes du public, soit 1 mSv/an (limite fixée pour le total de toutes les expositions provenant d’activités industrielles et nucléaires). Elle est même très supérieure à la limite maximale fixée pour les travailleurs du nucléaire, soit 20 mSv/an.
A ce niveau d’exposition, le risque sanitaire (cancer, dommages génétiques) n’est pas acceptable. Il faut intervenir d’urgence. La non intervention s’apparente à de la non assistance à personne en danger.
En savoir plus sur les mesures effectuées
Décontaminer le site et indemniser les propriétaires de la maison
Les déchets radioactifs présents dans le jardin et le sous-sol de la maison resteront dangereux pendant des millions d’années. Plus les pouvoirs publics attendront pour assainir le site et évacuer les matières radioactives, plus l’exposition des personnes et le nombre de personnes exposées augmenteront. Il ne serait pas admissible de renvoyer la solution du problème aux générations futures.
La responsabilité de l’Etat est fortement engagée : délivrance d’un permis de construire sur un site insalubre et insuffisance patente des contrôles radiologiques officiels. Dans ces conditions, il serait choquant que les habitants de la maison polluée, déjà fortement exposés sur le plan sanitaire du fait des doses de rayonnements accumulées depuis plus de 30 ans, soit en outre pénalisés sur le plan économique.
L’engagement de la CRII-RAD
La CRII-RAD sera très attentive aux décisions que vont prendre les autorités sanitaires.Aux termes des prescriptions de notre système de radioprotection, la décision doit en effet être prise à l’issue d’une analyse coût/bénéfice : le bénéfice en terme de santé pour les personnes exposées, le coût de l’indemnisation et de la décontamination pour la collectivité … sachant que le traitement d’un malade atteint d’un cancer doit lui aussi être pris en charge par la collectivité. C’est le “prix d’une vie humaine” qui est ainsi défini.
Compte tenu de ces enjeux et de l’isolement de la famille touchée, la CRII-RAD apportera son aide scientifique et juridique, tant dans les démarches à entreprendre auprès des autorités sanitaires que dans les actions à conduire auprès des juridictions compétentes.
(1) il s’agit de l’activité massique totale des chaînes de l’uranium 238, de l’uranium 235 et du thorium 232.