Une nième consultation du public est en cours1 préalablement à la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. Lancée par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) le 15 janvier 2024, elle se terminera le 15 février. Il s’agit d’un complément à celle déjà organisée du 5 juin au 15 septembre 2023, avec cette fois, ajout des avis des collectivités territoriales et de l’Autorité environnementale.
Mais à quoi bon participer ? Les dés sont déjà jetés !
Ces derniers jours, EDF a annoncé à la presse qu’il était confiant dans le chargement du combustible dans le cœur du réacteur d’ici fin mars 2024 avec une divergence avant l’été (démarrage des réactions nucléaires). Le président de l’ASN a indiqué lors de ses vœux à la presse que ce chargement à fin mars était « possible » mais «très tendu ».
Nous savons que ce réacteur ne fonctionnera jamais correctement, et au sein même d’EDF, ou de bureaux de contrôle externe, des salariés souhaitant garder l’anonymat pensent qu’il serait préférable d’arrêter l’aventure à ce stade tant les défauts sont nombreux et la précipitation déraisonnable.
Mais pour certains responsables2, le réacteur doit démarrer coûte que coûte. « Industriellement, malgré toutes les vicissitudes connues sur le chantier, c’est important de mettre en service pour démontrer qu’on est allés au bout ». Cette course en avant se fait au détriment de la sûreté et de la radioprotection.
Suite aux incidents de 2021 sur le premier EPR en fonctionnement dans le monde (EPR N°1 de la centrale de Taishan en Chine), la CRIIRAD avait révélé que l’endommagement inédit des assemblages de combustible nucléaire était dû à un défaut de conception de la cuve de l’EPR (plenum inférieur) à l’origine de vibrations non maîtrisées et que cela concernait aussi l’EPR en construction à Flamanville. Il a fallu des mois avant qu’EDF et l’ASN ne reconnaissent ce nouveau défaut de conception. Mais comme pour les défauts affectant le couvercle de la cuve, l’EPR de Flamanville sera autorisé à démarrer sans que le problème ne soit résolu. L’IRSN3 a en effet confirmé à la CRIIRAD qu’EDF « prépare une modification matérielle pérenne permettant d’optimiser l’hydraulique dans le plenum inférieur de la cuve ». L’Institut précise toutefois « que le travail engagé par EDF demandera plusieurs années avant mise en œuvre effective de la modification ». En clair si l’EPR de Flamanville diverge en 2024, ce sera avec un cœur de réacteur non conforme, comme son couvercle de cuve et une kyrielle d’autres défauts.
Pour approfondir, lire notre article « Scandale EPR ou comment faire fonctionner des réacteurs nucléaires avec des rustines » https://www.criirad.org/scandale-epr-ou-comment-faire-fonctionner-des-reacteurs-nucleaires-avec-des-rustines/
Et retrouver les publications de la CRIIRAD sur les défauts de l’EPR : https://www.criirad.org/epr-de-flamanville-historique-des-etudes-criirad/
Rédaction : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, conseiller scientifique à la CRIIRAD bruno.chareyron@criirad.org
1 https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/consultations-du-public/avis-de-consultation-du-public-sur-la-demande-d-autorisation-de-mise-en-service-du-reacteur-epr-de-flamanville-inb-167
2 Propos de l’adjoint au Délégué interministériel au Nouveau Nucléaire, rapportés par la Presse de la Manche le 3 février 2024.
3 Courriel adressé en mars 2023 à B. Chareyron (CRIIRAD) par monsieur Olivier Dubois, alors Directeur adjoint de l’expertise de sûreté à l’IRSN. Par décret du président de la république du 29 janvier 2024, monsieur Dubois vient d’être nommé Commissaire du collège de l’ASN, au titre de membre désigné par le président du Sénat.