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Les comprimés d’iode stable
Une protection indispensable en cas d’accident nucléaire mais pas une solution miracle.
La communication officielle sur les comprimés d’iodure de potassium occulte généralement les zones d’ombre du dossier, qu’il s’agisse des limites de cette protection (seulement la thyroïde et uniquement contre l’exposition à l’iode radioactif par voie interne), des conditions de son efficacité (l’administration doit être rapide, si possible préventive), des critères retenus pour sa mise en œuvre (uniquement si l’irradiation risque de dépasser 50 mGy, un niveau de risque trop élevé, surtout pour les enfants) ou des failles du dispositif (la consommation d’aliments très contaminés en iode radioactif sera autorisée !).
C’est avant l’accident qu’il faut s’informer. S’il survient, il sera trop tard.
A quoi ça sert et comment ça fonctionne ?
Les iodes radioactifs sont rejetés en grandes quantités en cas d’accident nucléaire. Facilement transférés dans la chaîne alimentaire, ils se concentrent dans la thyroïde car cette glande est incapable de différencier ces formes radioactives de l’iode stable dont elle a besoin pour l’élaboration des hormones thyroïdiennes. Les lésions provoquées par l’irradiation sont à l’origine de diverses pathologies et notamment de cancer de la thyroïde, en particulier chez les enfants.
L’absorption d’une dose massive d’iode stable permet de saturer la thyroïde et d’empêcher la fixation ultérieure de l’iode radioactif. Cette mesure de protection n’est efficace qu’à condition d’agir très vite, si possible dans les heures qui précèdent l’exposition. La distribution préventive des comprimés d’iode stable est donc indispensable.
La posologie varie en fonction de l’âge. Les groupes prioritaires, car les plus à risque, sont les enfants, les femmes enceintes (protection du fœtus) et celles qui allaitent (protection du nourrisson).
Les contre-indications, comme les effets secondaires graves sont très rares. Cependant, le risque de cancer lié à l’iode radioactif diminuant avec l’âge alors que le risque d’effets indésirables liés à l’absorption d’iodure de potassium augmente, dans certains pays, les autorités déconseillent la prise d’iode stable aux personnes de plus de 40/45 ans.
Limites, problèmes et incertitudes
Les comprimés d’iode stable ne constituent pas le remède miracle en cas d’accident nucléaire. Ils ne protègent ni de l’irradiation externe, ni de la contamination par les nombreux radionucléides qui accompagnent l’iode dans les rejets (isotopes radioactifs du césium, du ruthénium, du strontium, du plutonium, de l’américium…).
L’expérience des catastrophes passées montre que manquent souvent le temps, les informations adéquates et la logistique. La rapidité d’administration des comprimés est un facteur déterminant, mais en France les délais ne sont pas garantis : 1/ zones de distribution préventive trop réduites (rayon de 20 km autour des installations, et même de 10 km jusqu’en 2019, tous les sites n’étant pas encore en conformité) ; 2/ taux de couverture souvent insuffisant à l’intérieur de ces zones de pré-distribution ; 3/ logistique inadaptée à l’extérieur de ces zones (l’exemple de la Vienne)
En France, l’ordre de prendre les comprimés ne sera donné que si les calculs ou les mesures indiquent que l’inhalation de l’air contaminé pourrait délivrer à la thyroïde une dose de radiations supérieure à 50 milliSieverts. Ce seuil est bien trop élevé. Pour les groupes à risque, l’OMS avait recommandé un seuil de 10 milliSieverts.
De plus, les estimations de dose ne tiennent compte que de l’inhalation de l’iode radioactif ;présent dans l’air. La protection contre l’ingestion devrait être assurée par le retrait des aliments trop contaminés. Ce n’est malheureusement pas le cas: les niveaux d’iode radioactif autorisés dans les aliments sont beaucoup trop élevés. Ils n’assurent pas une protection suffisante de la thyroïde, en particulier pour les enfants.
Autre problème : l’évaluation officielle du risque ne prend en compte que les cancers de la thyroïde.
Attention aux régimes alimentaires carencés en iode : quand les apports alimentaires en iode stable ne sont pas suffisants, la thyroïde essaie de compenser le manque en augmentant le taux de captation de cet élément ce qui conduit à des risques de contamination accrus en cas d’accident nucléaire libérant de l’iode radioactif.