03/11/1999 – Tchernobyl : accusation contre M. Pellerin

Communiqué CRII-RAD
Valence, le 3 novembre 1999

Ce jour, 3 novembre, à 13h30, au Tribunal de Grande Instance de Paris, débute le procès en diffamation intenté par Pierre PELLERIN contre Michèle RIVASI, députée et Hélène CRIÉ, journaliste. La plainte concerne plusieurs extraits de leur livre – “Ce nucléaire qu’on nous cache” – évoquant les “mensonges du professeur Pellerin”.

La CRII-RAD n’a pas de responsabilité dans le contenu de cette publication et elle ne souhaite pas interférer dans le déroulement du procès.

L’association tient par contre à rappeler avec fermeté le bilan qu’elle dresse de l’étude approfondie de la gestion de l’accident et notamment de l’analyse effectuée dans le cadre de l’action en justice qu’elle a intentée contre l’État français pour :

  • défaut d’évaluation des retombées radioactives et de leur impact sur l’environnement et la chaîne alimentaire ;
  • défaut d’information des autorités sanitaires, des pouvoirs public et des populations ;
  • défaut de protection des groupes critiques, et notamment des populations Corses.

En 1999, le dossier Tchernobyl reste ouvert : aucune réponse n’a jamais été fournie aux accusations détaillées présentées par la CRII-RAD et aucune sanction n’a jamais été prise. Les risques injustifiés auxquels ont été exposés certains groupes de la population n’ont pas été reconnus.

Un document complet sera publié ultérieurement.
Responsable du dossier : Corinne Castanier, directrice.
Organisation : Coralie Sassolat, coordinatrice.

1. Le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé le 26 avril 1986. Les rejets radioactifs se sont poursuivis durant 10 jours. Le panache radioactif a atteint la France, par le Sud-Est, dans la journée du 30 avril 1986.

2. M. Pellerin était alors directeur du service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI). À ce titre, il était notamment chargé de pratiquer toutes les mesures permettant de déterminer le taux de radioactivité dans tous les milieux où sa présence pouvait présenter un risque pour la santé des populations.

C’est vers lui que se sont tournés tous les responsables, autorités sanitaires, Préfets, directeurs de DDASS, médecins… afin de savoir si la situation nécessitait, ou non, de mettre en oeuvre des mesures de protection.

On peut apprécier l’importance que les décideurs lui accordaient à l’époque à travers le courrier que le Préfet de Haute-Corse adresse au président de l’Assemblée territoriale : “Seul le SCPRI est en mesure d’analyser les prélèvements réalisés et surtout d’en interpréter correctement les résultats (…) Au demeurant, la complexité du sujet ainsi que la multitude des données à recueillir ne permettraient à quiconque d’autre que le SCPRI de donner des indications valables sur l’intensité du phénomène et les mesures à prendre (ou à ne pas prendre).”

3. Avant de rappeler les principales accusations portées à l’encontre de M. Pellerin, en sa qualité de directeur du SCPRI, la CRII-RAD tient à souligner qu’à ses yeux, la responsabilité de ce haut fonctionnaire n’exonère pas celle, plus lourde, des pouvoirs publics.

 


 

Principales accusations
 

J’ACCUSE M. Pellerin

· de n’avoir pas su mettre en place une méthodologie adaptée à la crise, un dispositif de surveillance ciblé sur les secteurs et les produits à risque, d’avoir publié des résultats incohérents, incomplets et tardifs ;

· d’avoir, en particulier, considérablement sous évaluée l’intensité des dépôts de radioactivité sur le sol français.

 

J’ACCUSE M. Pellerin

· d’avoir menti sur l’impact de la contamination provoquée par le passage du nuage de Tchernobyl en affirmant, dans un communiqué spécial explicatif intensément diffusé à partir du 2 mai aux autorités sanitaires, aux Préfets, aux DDASS, aux médecins, aux pharmaciens, aux journalistes et au public :
“1) L’élévation relative de la radioactivité relevée sur le territoire français à la suite de cet incident est très largement inférieure aux limites recommandées par la C.I.P.R. et aux limites réglementaires françaises, elles-mêmes fixées avec des marges de sécurité considérables. Il faudrait imaginer des élévations dix mille ou cent mille fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d’hygiène publique.”

Ce communiqué a joué un rôle décisif dans l’absence de toute mesure de protection et même de la plus élémentaire précaution (inutile, par exemple, de faire consommer aux enfants pendant les quinze premiers jours de mai du lait en poudre à la place du lait frais contaminé).

 

J’ACCUSE surtout M. Pellerin

· de n’avoir pas assuré la protection des groupes à risque, c’est-à-dire de toutes les personnes qui du fait de leur situation géographique, de leur âge, de leur régime alimentaire, de leur profession, … ont reçu des doses de rayonnement très supérieures à celles de la moyenne des français, des doses de rayonnement supérieures aux limites réglementaires, qui nécessitaient des mesures de protection ;

· de porter, en particulier, une lourde responsabilité dans l’exposition des populations corses et tout spécialement dans les doses de rayonnement encaissées par les enfants et les foetus.

 

J’ACCUSE M. Pellerin,

· d’avoir délibérément ignoré les règlements et recommandations édictés par la Commission européenne dans le but de limiter la consommation d’aliments contaminés afin de “sauvegarder la santé des consommateurs” ;

· d’avoir ainsi favorisé la consommation de produits d’importation contaminés, en déclarant que “toutes les denrées alimentaires ou produits ci-dessus mentionnés sont sans exception consommables sans restriction” alors que certains des lots contrôlés dépassaient largement les limites imposées par le règlement CEE n°1707/86 du Conseil du 30/5/86.

· d’avoir ainsi favorisé la consommation de produits français dont le taux de radioactivité était supérieur aux seuils de tolérance recommandés par la Commission européenne et repris officiellement par le gouvernement français, alors que ces limites portaient sur des aliments sensibles : le lait et les produits laitiers les légumes et les fruits.

 

J’ACCUSE M. Pellerin,

· d’avoir publié des affirmations totalement erronées sur la situation en URSS. En affirmant, par exemple, le 29 avril : “En ce qui concerne les populations, il y a certes un problème d’hygiène publique, mais pas de réel danger, et certainement pas plus loin que 10 à 20 km au nord de la centrale”;

· d’avoir fait preuve d’une imprudence coupable en conseillant, dès le 2 mai, le maintien des voyages touristiques en URSS, en indiquant que : “les inquiétudes concernant le tourisme ou les missions en URSS et dans les pays de l’Est sont sans fondement sanitaire. Les autorités soviétiques ont, dés l’origine, bien entendu, consigné toutes les zones où de telles situations auraient pu ou pourraient encore se présenter.” Il faut rappeler que :
1. à cette date, personne ne savait comment la situation allait évoluer, les rejets
radioactifs n’étaient toujours pas maîtrisés (ce ne sera fait que le 6 mai) ;
2. que les premières cartes de contamination ne seront disponibles qu’en 1989,
date à laquelle des zones seront évacuées à plusieurs centaines de kilomètres de
Tchernobyl.