27/01/2025 – L’IRSN n’est plus, vive l’ASNR ?

Depuis le 1er janvier 2025, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a été absorbé par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) au sein d’une nouvelle entité : l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (ASNR). Les deux volets du système en place depuis des années, la recherche et l’expertise technique d’une part, le contrôle et la réglementation d’autre part, sont ainsi fusionnés.

Voulue par le président E. Macron pour « répondre au défi de la relance du nucléaire », cette réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a été décriée de tous côtés. Tout comme le rythme imposé : promulguée le 21 mai 2024, la loi laissait tout juste 7 mois pour définir et mettre en œuvre une nouvelle organisation.

Pour l’heure, l’ASNR ressemble à une coquille vide : son site internet rassemble les publications au même endroit mais sans créer d’unité. Le site renvoie au site de l’ASN pour la réglementation et le contrôle et à celui de l’IRSN pour les avis et rapports d’expertises.

Au-delà de ce détail révélateur d’une réforme faite dans la précipitation et qui pour le moment est sans réelle profondeur, cette réorganisation a de quoi susciter l’inquiétude, même si, comme l’avait montré la CRIIRAD, les raisons de ne pas porter aux nues le système antérieur étaient nombreuses. Annoncée comme nécessaire sans qu’il n’y ait eu d’étude préalable pour pointer les failles du système préexistant, la justification première de cette réforme était le besoin de regrouper les organes, de les rapprocher afin de permettre une plus grande rapidité. Comme si une proximité physique suffisait à garantir une coordination efficace… Symbole de ce mélange des genres, la présidence de l’ASNR a été attribuée – sur proposition d’E. Macron – à P.M Abadie, directeur de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra). Alors que l’Andra est elle-même exploitant nucléaire et porteuse de plusieurs projets qui sont sous le contrôle de… l’ASNR.

Autre point d’inquiétude, et fait révélateur de la place accordée au public dans la gouvernance du nucléaire en France, les avis techniques établis avant les décisions, qui étaient rendus publics le mois suivant leur édition, ne seront désormais publiés qu’une fois les décisions prises. Une méthode efficace pour limiter les contradictions en amont.

Et s’il est évident que les experts de l’IRSN étaient conscients des impacts que pouvaient avoir leurs avis techniques, et n’étaient certainement pas sans subir de pressions au cours des fréquentes réunions avec l’ASN et les exploitants, il est certain que le contact direct avec les décideurs ne favorisera pas leur liberté d’expression.

Il nous semble particulièrement malvenu de changer un système – qui n’était certes pas parfait – au moment où les enjeux de sûreté et de radioprotection sont plus critiques que jamais. Les projets nucléaires se multiplient, les déchets s’accumulent, les installations existantes vieillissent et sont mises à mal par le changement climatique… L’ASNR va-t-elle améliorer la sûreté et la radioprotection ou faciliter la relance ? La CRIIRAD restera vigilante quant à cette nouvelle gouvernance et ses conséquences.


Rédaction : Laure Barthélemy et Julien Syren, chargé·es d’études CRIIRAD