19/11/2024 – À Gravelines, les risques sont-ils correctement évalués ?

Gravelines (Hauts-de-France) est la plus grande centrale nucléaire de France : 6 réacteurs auxquels EDF veut ajouter 2 EPR2. Un débat public est en cours sur ce projet d’agrandissement, et le 19 novembre une réunion est dédiée aux aspects sûreté et sécurité. Car le site est exposé à des dangers spécifiques qui induisent des risques pour l’installation. Mais sont-ils correctement évalués ?

Des spécificités…

La centrale de Gravelines est construite sur un polder, à faible altitude (entre -3 et 4 mètres NGF1) sur des terres prises à la mer par assèchement artificiel. Elle est à l’entrée Ouest du port de Dunkerque, 3ème port de France, où est pompée l’eau nécessaire à son refroidissement. Dans cette zone, le trafic maritime, fluvial, routier et ferré est dense et de nombreuses industries y sont implantées, dont les activités impliquent l’usage et le transport de matières dangereuses.

Pourvoyeuses de dangers…

De par ces spécificités, la centrale est exposée à plusieurs sources de dangers (inondations et accidents industriels notamment). Pour protéger ses installations, EDF doit les identifier, estimer les risques associés (perte de refroidissement, perte d’alimentation électrique, explosion, incendie, effets toxiques, etc.) et définir si des protections doivent être mises en place. Les niveaux de risques et de protections sont évalués à la conception puis réévalués tous les 10 ans.

Dont les risques ne sont pas toujours bien évalués

En 2022, une étude a démontré que les risques de submersion à Gravelines étaient sous-estimés car les données utilisées étaient trop limitées2. De plus, avec le dérèglement climatique, les phénomènes naturels s’intensifient. En 2023 puis en 2024, des épisodes pluvieux sur la région ont battu tous les records3. Quant aux risques industriels, c’est un rayon de 10 km qu’il faut prendre en compte pour les déterminer, et prévoir tous les effets domino possibles car un accident peut se propager d’une usine à une autre4. Or la zone industrielle est particulièrement dense (16 usines Seveso actuellement) et en plein développement5, les données sur les potentiels de dangers dans les installations sont difficiles à obtenir et les études d’EDF comportent plusieurs écueils méthodologiques6.

En l’état actuel, les évaluations des risques induits par l’implantation de la centrale de Gravelines (polder en zone industrielle) posent question. Sans des analyses approfondies et de qualité, il ne peut y avoir de démonstration de maîtrise des risques, et donc de sûreté.

Rédaction : Laure Barthélemy


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Notes :

  1. NGF : Nivellement général de la France. Mesure précise de l’altitude d’un point par rapport au niveau moyen de la mer. ↩︎
  2. Saint Criq, L., Gaume, E., Hamdi, Y., & Ouarda, T. B. M. J. (2022). Extreme sea level estimation combining systematic observed skew surges and historical record sea levels. Water Resources Research, 58 ↩︎
  3. Des niveaux records historiques pour l’Aa – Delta FM, 03/01/2024  ↩︎
  4. IRSN, Note de synthèse relative aux risques induits par les agressions externes d’une installation nucléaire liées à un environnement industriel, ciblée sur le projet EPR2 de Gravelines, 2024 ↩︎
  5. Document d’orientation et d’objectifs du SCOT de la région Flandres-Dunkerque, 2022 ↩︎
  6. Note de synthèse IRSN et Courrier ASN CODEP-DCN-2024-027230 du 15 octobre 2024 ↩︎