27/10/2016 – Consultation publique sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR 2016-2018)

Participez à la consultation publique sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR 2016-2018)
Dites NON au recyclage des déchets dits très faiblement radioactifs dans votre environnement quotidien

Résumé : communiqué de presse CRIIRAD du 27/10/2016

 

Consultation du public : une initiative louable mais des délais inadaptés

Pour la première fois, une consultation publique est ouverte sur le nouveau Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs (PNGMDR). Ce document est mis à jour tous les 3 ans et la version mise en consultation sur le site du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer porte sur la période 2016-2018.

Aux termes de l’article L542-1-2 du code de l’environnement, le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs « dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs et des solutions techniques retenues, recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage et précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage ».

Ainsi que le précise la notice de présentation, «le PNGMDR a une vocation d’exhaustivité : il concerne à la fois les déchets ultimes et les matières radioactives valorisables, à la fois les filières de gestion existantes et celles en projet, en développement ou à définir ; il concerne également toutes les catégories de déchets radioactifs quelle que soit leur origine ».

Le droit international, communautaire et national est censé garantir la participation effective du public au processus de décision dès lors que les projets ont une incidence en matière d’environnement ce qui est le cas du PNGMDR.  On ne peut donc que se féliciter de la décision des autorités de solliciter l’avis du public sur le projet de gestion des déchets radioactifs.

Le problème est que la consultation dure moins de 4 semaines (du 3 au 28 octobre 2016). Dans un laps de temps aussi court, les citoyens sont censés lire, analyser et commenter 7 documents totalisant plus de 500 pages :

  1. Le projet de PNGMDR 2016-2018 : 280 pages
  2. L’évaluation environnementale du PNGMDR : 141 pages
  3. L’avis de l’Autorité environnementale sur le PNGMDR : 37 pages
  4. La réponse aux recommandations de l’Autorité environnementale : 9 pages
  5. Le projet de synthèse du PNGMDR 2016-2018 : 22 pages
  6. Le projet de décret PNGMDR : 8 pages
  7. Le projet d’arrêté PNGMDR : 22 pages.

Étant donné la masse des documents, l’étendue et la complexité des thèmes traités, la consultation est toute théorique et frise le déni de droit. Tout se passe comme si les responsables s’efforçaient de s’acquitter de leurs obligations légales sans permettre réellement au public de participer au processus de décision.

Dès le début de la consultation, la CRIIRAD a déposé un premier commentaire demandant le report de la date de clôture de la consultation, au minimum jusqu’au 30 novembre 2016, si possible jusqu’au 20 décembre 2016.

Mobilisation contre le recyclage des déchets TFA valorisables
dans notre environnement quotidien

Un premier niveau de lecture a permis d’identifier une vingtaine de thématiques qui recoupent des actions passées ou présentes de la CRIIRAD et qui justifieraient des commentaires. Toutefois, vu les contraintes de temps, la CRIIRAD a choisi de cibler ses efforts sur un axe qui lui paraît à la fois important et urgent : les risques de recyclage dans le domaine public des déchets dits TFA (Très Faible Activité).   

S’ils sont validés, les projets de décret et d’arrêté vont inscrire cette option dans la réglementation, et l’inscrire de façon très concrète puisque l’article 24 du projet d’arrêté demande à AREVA et EDF de présenter d’ici le 30 juin 2018 un avant-projet d’installation de traitement des déchets métalliques TFA pour recyclage dans les biens de consommation ou les produits de construction.

Recycler dans l’industrie nucléaire
ou dans le domaine public ?

Les déchets dits de Très Faible Activité sont des déchets radioactifs dont l’activité massique ne dépasse pas, généralement, 100 000 Bq/kg. La qualification de « très faible » est donc toute relative. Actuellement, ces déchets sont envoyés au Centre de Stockage des déchets de Très Faible Activité que l’ANDRA exploite à Morvilliers, dans l’Aube (d’abord dénommé CSTFA puis devenu le CIRES).

Le démantèlement des installations nucléaires va générer des quantités croissantes de déchets TFA dont une part est constituée de matériaux théoriquement valorisables comme les métaux ou les gravats. Des filières de valorisation ont bel et bien été créées en France pour les déchets métalliques et pour le plomb mais les produits qui en sont issus ne sortent pas du domaine nucléaire (conteneurs pour les sites de stockage de déchets radioactifs par exemple). Le procédé de fusion permet en effet d’obtenir un certain niveau de décontamination mais celle-ci n’est pas totale et son efficacité varie fortement en fonction de la nature des radionucléides : certains se retrouvent à plus de 90% dans les déchets (le laitier, les poussières), d’autres restent à plus de 90% dans le métal.

Pour les exploitants du nucléaire, le recyclage interne n’est pas satisfaisant.  Les documents d’AREVA sont très clairs sur le sujet : pour que la « valorisation » soit rentable, il faut que les produits puissent ensuite être vendus  à l’industrie conventionnelle  pour une libération sans contrainte dans le domaine public. Et comme la construction de l’installation demande des investissements considérables, il faut également que les volumes à traiter soient suffisamment importants.

AREVA projette ainsi la construction d’une installation qui pourrait traiter à terme 900 000 tonnes de métaux ferreux valorisables de catégorie TFA : 150 000 tonnes provenant du démantèlement de l’usine Eurodif d’enrichissement de l’uranium (INB 93), 100 000 t provenant du démantèlement de générateurs de vapeurs des centrales nucléaires (GV EDF) et 600 000 t de « vrac » hétérogène.  L’installation serait implantée sur le site nucléaire de Pierrelatte, dans la Drôme, pour commencer à traiter les déchets d’Eurodif. Le gisement de déchets radioactifs valorisables étant relativement homogène et les performances de décontamination annoncées comme maximales pour l’uranium, les opérations pourraient servir de démonstrateur et de vitrine (pour ne pas dire de cheval de Troie). Les lingots seraient ensuite dirigés vers des aciéries ou des fonderies conventionnelles qui les utiliseraient pour fabriquer divers produits de consommation ou de construction. À plus ou moins long terme, les métaux issus du nucléaire (et leur contamination résiduelle) se retrouveront un jour dans nos voitures, nos poussettes, nos casseroles…

Obtenir une dérogation

Le recyclage dans le domaine public est aujourd’hui strictement interdit par le code de la santé publique (grâce notamment aux mobilisations lancées précédemment par la CRIIRAD). L’article R. 1333-3 interdit en effet « l’utilisation, pour la fabrication des biens de consommation et des produits de construction, des matériaux et des déchets provenant d’une activité nucléaire, lorsque ceux-ci sont contaminés ou susceptibles de l’être par des radionucléides, y compris par activation, du fait de cette activité. »

Le  problème, c’est qu’un autre article (R. 1333-4) prévoit que l’État peut accorder des dérogations à la règle de base qu’est l’interdiction. C’est précisément ce qu’envisage l’article 24 du projet d’arrêté soumis à la consultation publique. Cet article prescrit en effet qu’AREVA et EDF devront remettre au ministre chargé de l’énergie, avant le 30 juin 2018, l’avant-projet d’une installation de traitement d’une partie de leurs déchets métalliques TFA, « avec son calendrier de mise en service et les éléments qui constitueraient le dossier de demande de dérogation au titre de l’article R. 1333-4 du code de la santé publique ». Cette précision signifie que la valorisation des déchets TFA ne se fera pas dans des filières contrôlées mais dans le domaine public, dans les objets et équipements de notre quotidien. Et dès lors que les matériaux contaminés entrent dans le domaine public, il n’y a plus à terme ni traçabilité, ni contrôle.

La CRIIRAD s’était battue à l’époque contre les dispositions de cet article et contre l’adoption de l’arrêté du 5 mai 2009 qui permettait son application. L’arrêté de 2009 n’avait pas été abrogé mais le ministre de l’Écologie de l’époque, M. Borloo, nous avait finalement adressé, en février 2010, un courrier dont nous reproduisons ci-dessous l’essentiel :

Seule la valorisation dans l’industrie nucléaire était envisagée, et encore sous condition. La CRIIRAD avait demandé que ces déclarations soient transcrites dans la règlementation afin qu’elles constituent de véritables garanties. En vain.

Les risques liés au démantèlement des installations nucléaires restaient donc comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Ils sont en train de se concrétiser et les projets alternatifs sont remis au placard. Qu’est devenu, par exemple, le projet de recyclage des 100 000 t de déchets métalliques issus des GV d’EDF sous forme de conteneurs pour les déchets de faible et moyenne activité ? Les exploitants objectent que la rentabilité économique n’est pas acquise : ils gaspillent des milliards d’euros dans des achats scandaleux type URAMIN ou dans la construction des EPR mais ils veulent à tout prix « rentabiliser » la gestion de leurs déchets et alléger leurs charges en transférant les risques à la population (on retrouve la logique des seuils de référence).

Et l’étude des documents d’évaluation soulèvent de nombreuses questions. Par exemple, selon les exploitants, il n’est pas possible de recycler dans l’industrie nucléaire la totalité des matériaux valorisables de type TFA mais les évaluations ne portent que sur les zones dites à production possible de déchets  radioactifs (ZppDR). Pourquoi ne pas étendre l’étude à l’ensemble des zones des sites nucléaires ? Utiliser des métaux issus du démantèlement pour la fabrication de jouets ne poserait pas problème mais il serait exclu de les utiliser dans les secteurs non nucléaire des sites nucléaires ? Les vérifications et la mémoire des utilisations seraient pourtant beaucoup plus accessibles sur ces sites que dans nos maisons et nos lieux de travail !

L’Autorité de Sûreté Nucléaire reste opposée à l’établissement de seuils de libération génériques pour les déchets TFA mais il n’est pas sûr qu’elle s’oppose à la délivrance d’une dérogation. De plus sa position est fragilisée par la pression croissante des exploitants et par les attaques de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.

Il est donc important et urgent de se mobiliser.

Comment agir ?

Il vous suffisait de vous rendre sur le site des consultations publiques du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer et d’y déposer un commentaire. La consultation a été clôturée le 28/10/2016. 

> Cliquer ici pour accéder aux documents mais vous ne pouvez plus participer à la consultation.

Voici le texte que la CRIIRAD proposait aux personnes qui n’avaient pas le temps d’analyser les textes et/ou de rédiger leur propre commentaire :

JE M’OPPOSE À LA DISSÉMINATION DES MATÉRIAUX CONTAMINÉS (même très, très faiblement radioactifs) dans les objets de mon environnement quotidien. Les matières et déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires doivent rester dans des filières contrôlées, où les intervenants sont informés, formés et équipés, et qui permettent de garder la mémoire de leur présence.

JE DEMANDE PAR CONSÉQUENT :
1/ Le respect des dispositions de l’article L.542-1 du code de l’environnement qui prescrit que la gestion des déchets radioactifs, et notamment des déchets issus du démantèlement d’installations nucléaires, soit assurée « dans le respect de la protection de la santé des personnes ». Les substances radioactives ont la capacité d’induire, même à très faible dose, des cancers chez les personnes exposées et des maladies génétiques chez leurs descendants.

2/ la suppression de l’article 24 du projet d’arrêté PNGMDRqui demande à AREVA et EDF de travailler sur un projet d’installation qui déroge à l’interdiction inscrite à l’article R. 1333-3 du code de la santé publique. Je demande le maintien, sans dérogation, de l’interdiction d’utiliser les matériaux et déchets contaminés provenant d’une installation nucléaire, pour la fabrication des biens de consommation et des produits de construction.

3/ la modification de l’article 4 du projet de décret PNGMDRqui porte création, dans le code de l’environnement, d’un article D.542-87 relatif à la gestion des déchets de très faible activité (TFA). Je demande que la mention « dans des filières contrôlées » soit ajoutée comme suit : « Le schéma industriel préserve les capacités de stockage en considérant les possibilités de densification des déchets stockés et de valorisation, dans des filières contrôlées, de certains types de déchets TFA. ».

JE DEMANDE ÉGALEMENT le report à fin décembre 2016 de la date de clôture de la consultation publique afin de pouvoir me prononcer sur d’autres aspects du dossier. Il est en effet impossible d’analyser en moins de 4 semaines plus de 500 pages de documents et de formuler un avis. Le maintien d’un délai aussi inadapté empêcherait ma participation effective au processus de décision et constituerait un déni de droit.

Et ensuite ?

Cette action n’est qu’une première étape. Les délais de la consultation publique nous ont obligés à intervenir en urgence mais nous aurons ensuite beaucoup plus de temps pour rédiger des documents explicatifs (le dossier est en effet très complexe) et lancer des actions de fond, et pas seulement en France. Sur ce sujet, il est en effet crucial de mobiliser l’ensemble de l’opinion publique européenne.

Des opérations de recyclage dans le domaine public ont en effet d’ores et déjà commencé dans certains pays européens. Officiellement, tout se passe bien, les projets sont parfaitement acceptés par l’opinion publique. En réalité, celle-ci n’a pas vraiment été informée, encore moins consultée. À notre connaissance, dans les rares cas où cela s’est fait, le recyclage dans le domaine public a été rejeté. L’ANDRA donne l’exemple de ce qui s’est passé en 2001 : à l’issue des débats avec les associations, les exploitants de fonderies conventionnelles ont refusé de recevoir des métaux dans lesquels on pouvait détecter des radionucléides. « Un code de bonne pratique a été mis en place imposant aux ferrailleurs de garantir l’absence de radioactivité dans les métaux fournis. ».

Si des campagnes d’information et de mobilisation s’organisent, comme ce fut le cas dans le passé, il n’est pas sûr que les exploitants d’industries conventionnelles prennent le risque d’accepter de recycler des lots issus de l’industrie nucléaire.