Il existe une vive polémique à propos de la contamination résiduelle en uranium de l’ancien site CEA de Vaujours. La CRIIRAD a apporté des précisions dans une note du 5 février 2014 adressée à Placoplâtre et mise en ligne sur son site. Dans cette note la CRIIRAD rappelle qu’il n’y a aucun doute sur la persistance de zones contaminées par l’uranium au niveau du fort de Vaujours dans la mesure où tous les secteurs contaminés n’ont pas été recherchés et ou le CEA a reconnu en 2001-2002 n’avoir pu, et ne pouvoir, traiter tous les points contaminés dont certains ont été bétonnés.
Le CEA a indiqué dans une série de questions réponses en date du 6 février 2014 : “Seul un comblement avec du béton de canalisations enterrées et d’un puisard a été réalisé en raison de l’impossibilité d’assurer la décontamination totale d’une pollution résiduelle jugée faible. Ainsi, l’ampleur des travaux qu’aurait nécessités cette décontamination était hors de proportion avec la faible contamination résiduelle de cette zone du fort de Vaujours . En effet, ces canalisations avaient fait l’objet d’un contrôle ayant conduit à des valeurs de radioactivité faibles, de l’ordre de 10 fois le bruit de fond .”
C’est pour cette raison qu’il existe des servitudes sur ce site.
L’entreprise Placoplâtre reconnaît d’ailleurs ce risque et s’engage à le prendre en compte. La question est alors de vérifier si les moyens de contrôle mis en œuvre par Placoplatre et les entreprises travaillant pour son compte seront de nature à détecter la contamination résiduelle en uranium afin de garantir la sécurité des travailleurs, des riverains, et des consommateurs (qualité du gypse extrait par carrière sur le site) .
Et de ce point de vue, il est légitime que des associations locales, regroupées au sein du Collectif Sauvons la Dhuis émettent des doutes sérieux. La CRIIRAD partage ces doutes.
En effet, la polémique se cristallise sur une différence de résultats obtenus en 2011 sur le point chaud CEA1 dans la casemate TC1, entre des organismes officiels comme l’IRSN (qui n’auraient pas détecté d’augmentation notable du taux de radiation) au contact de ce point et des mesures effectuées par des citoyens au moyen d’un compteur Geiger RADEX (et qui auraient détecté un taux de radiation plus de 30 fois supérieur au niveau naturel).
Le laboratoire de la CRIIRAD n’est pas intervenu sur ce site depuis 2002 et ne peut donc donner un avis étayé sur la question de savoir si en 2011, le point CEA1 était toujours contaminé. Mais afin d’expliquer au grand public pourquoi il peut y avoir un tel niveau de différence de mesure, la CRIIRAD a mis enligne sur sa chaîne Youtube 2 videos :
Ce document montre que l’excès de radioactivité au contact d’un carreau de cuisine contenant environ 2 000 Becquerels d’uranium 238 sous forme de pigments d’uranium appauvri (utilisé à l’époque comme colorant) n’est pratiquement pas mis en évidence en utilisant un compteur proportionnel compensé en énergie, appareil professionnel qui mesure le débit de dose en profondeur (Hp 10 exprimé en microSieverts par heure). On mesure environ 0,13 µSv/h contre la face contaminée du carreau pour un bruit de fond naturel de 0,1 µSv/h (soit une augmentation de seulement 30 %).
Ceci est dû au fait que dans le cas de l’uranium appauvri, la majorité des radiations émises sont relativement peu pénétrantes ce qui induit une forte différence entre la mesure de la dose en profondeur et de la dose à la peau. C’est aussi pour cette raison qu’il est très difficile de détecter des contaminations par l’uranium appauvri. Il faut pour cela utiliser des appareils adaptés et réaliser la mesure au contact de l’objet contaminé. C’est ainsi que l’on détecte clairement la radioactivité anormale du carreau dans la video N°1 :
A / en utilisant un contaminomètre alpha-bêta-gamma qui mesure un taux de comptage exprimé en coups par seconde, on observe une radioactivité de plus de 400 c/s soit une valeur plus de 400 fois supérieure au niveau naturel.
B / en utilisant un compteur Geiger RADEX qui donne une estimation du débit de dose en microSievert par heure, on obtient un taux de radiation supérieur à 10 microSieverts par heure soit une valeur plus de 100 fois supérieure au niveau naturel (autour de 0,1 µSv/h). Lorsque un radiamètre est utilisé pour faire des mesures d’ambiance, à 1 mètre du sol par exemple, l’essentiel des radiations présentes sont les plus pénétrantes (rayonnements gamma). Dans ce cas la dose à la peau et la dose en profondeur sont quasi identiques. Par contre dès lors que l’on s’approche d’une source radioactive, la dose à la peau peut devenir nettement plus forte que la dose en profondeur. La confusion vient du fait qu’elles sont exprimées dans la même unité. Le RADEX n’étant pas compensé en énergie, la valeur qu’il affiche en cas de forte contribution de rayonnements de basse énergie donne une valeur difficile à interpréter c’est pourquoi la CRIIRAD a indiqué dans une note de décembre 2012 que la mesure effectuée par les associations devait être prise en considération (en tant qu’indication d’une contamination résiduelle ) mais ne devait pas être utilisée pour faire un calcul dosimétrique. En effet, dans le cas d’une mesure effectuée au contact d’un matériau, la valeur affichée par le RADEX correspond davantage à un débit de dose à la peau (Hp0.07) qu’à un débit de dose en profondeur (Hp10).
Cette différence entre la dose en profondeur et la dose à la peau, toutes deux exprimées en microSievert par heure, est illustrée dans la vidéo N°2.
Le même carreau de cuisine contenant 2 000 Bq d’uranium 238 sous forme d’uranium appauvri est contrôlé avec un dosimètre électronique individuel professionnel (type EPD). Le débit de dose en profondeur (Hp 10) est affiché à 0 µSv/h. La valeur effective (comme illustré dans la video N°1) mesurée avec un compteur proportionnel compensé en énergie est de l’ordre de 0,13 µSv/h. Comme le dosimètre électronique a un seuil d’affichage 1 µSv/h, tant que la valeur mesurée est inférieure à 1 µSv/h, il affiche zéro. Lorsque l’on sélectionne le mode (Hp 0,07), le dosimètre électronique affiche la dose en profondeur (Hp 0,07) qui est indiquée à 30 µSv/h soit 300 fois le niveau naturel (0,1 µSv/h).
Ces videos permettent d’illustrer 2 points importants :
1 / L’uranium appauvri est radioactif mais sa détection est difficile et nécessite des appareils spécifiques et des conditions d’utilisation draconiennes : les appareils doivent être utilisés le plus près possible de la matière à contrôler.
2 / Bien qu’il soit un appareil grand public, le RADEX, posé au contact d’un fragment d’uranium appauvri est relativement efficace pour détecter la présence d’une radioactivité anormale. Il est moins efficace évidemment qu’un contaminomètre alpha-bêta-gamma mais beaucoup plus efficace que d’autres appareils professionnels (scintillomètre gamma, débitmètre gamma), mais la valeur numérique obtenue doit être interprétée avec prudence car au contact de l’uranium appauvri, la valeur est beaucoup plus proche de celle d’une dose à la peau.
MAJ B.C 24/02/2014
Ces vidéos ont été réalisées avec le soutien financier de la Région Rhône-Alpes dans le cadre de l’action CPO2012-P1 Radiamètres