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25/09/2024 – Nouvelle campagne de distribution d’iode : un intérêt indéniable, une portée trop limitée

Une nouvelle campagne de distribution d’iode stable dans un périmètre de 10 km autour des réacteurs nucléaires français a commencé le 15 septembre 20241. Le but affiché est d’informer et de doter les personnes vivant ou travaillant au plus proche de ces sites nucléaires de comprimés d’iode, afin qu’elles puissent protéger leur thyroïde en cas de rejets radioactifs. Si cette protection est indéniable et que l’anticipation est fondamentale, la CRIIRAD déplore toutefois la portée trop limitée de cette campagne.

Des campagnes nécessaires mais peu suivies

Les campagnes de distribution d’iode stable ont été initiées en 1997 par les pouvoirs publics et sont organisées conjointement avec les exploitants nucléaires. Elles visent à informer et à fournir gratuitement des comprimés aux personnes qui vivent ou travaillent autour de certains sites nucléaires (les centrales de production d’électricité, les réacteurs de recherches et certains sites dévolus à la défense). Le périmètre de distribution est défini par les plans particuliers d’intervention (PPI2).
La précédente campagne de distribution d’iode stable s’est déroulée en 2019-2020. Elle a ciblé les personnes récemment incluses dans les PPI, après que leur périmètre a été élargi de 10 à 20 km3. La campagne menée en 2016 a ciblé les personnes situées dans un rayon de moins de 10 km. À chaque fois, les taux de retrait des comprimés d’iode sont restés bas : fin 2020, seuls 22 % des particuliers, 16% des établissements recevant du public et 60% des écoles concernés s’étaient rendus en pharmacie4. Les taux de 2016 étaient un peu meilleurs5, mais avec seulement une personne sur deux venue retirer des comprimés, le succès de ces campagnes de prévention est loin d’être établi. Le public ciblé, pourtant concerné en premier lieu, ne semble pas montrer beaucoup d’intérêt pour ces campagnes de prévention, mais à qui la faute ? Les informations fournies lors de ces campagnes sont-elles suffisantes ? Cette prévention est pourtant indispensable, car il est fondamental d’anticiper. Puisque c’est avant que survienne un accident qu’il faut se fournir en iode stable.

Une protection indéniable

L’iode stable (iodure de potassium) permet de saturer la thyroïde, une glande essentielle à tout âge mais encore plus chez les populations jeunes et les femmes enceintes (pour le fœtus). La thyroïde produit plusieurs hormones qui régulent le métabolisme du corps humain et elle a besoin d’iode pour fonctionner. Elle puise cet oligo-élément dans notre environnement. En cas d’accident nucléaire, des iodes radioactifs sont rejetés en grandes quantités dans l’air et vont se concentrer dans la thyroïde. Les lésions provoquées par l’irradiation sont à l’origine de diverses pathologies et notamment de cancer de la thyroïde. Pour éviter ce phénomène, l’idée est d’apporter beaucoup plus d’iode à la thyroïde qu’elle n’en a besoin au quotidien. Ainsi saturée, elle n’utiliserait pas les iodes radioactifs présents dans l’environnement. Mais cela implique de prendre les comprimés d’iode avant d’être exposé aux rejets radioactifs. Dans l’idéal quelques heures avant, au maximum quelques heures après6. D’où l’importance d’avoir des comprimés d’iode stable dans ses placards, avant que ne survienne un accident.

Une portée trop limitée

La protection apportée par les comprimés d’iode est réelle, mais elle a ses limites. Cette protection ne concerne que la thyroïde, et que les iodes radioactifs. Or en cas d’accident nucléaire, d’autres radionucléides seront également rejetés dans l’atmosphère (césium, strontium, plutonium, …) et pourront contaminer d’autres parties du corps.
Qui plus est, le périmètre défini pour ces distributions gratuites de comprimés d’iode stable est trop restrictif. En cas de rejets radioactifs, selon les vents, les populations vivant bien au-delà d’un rayon de 20 km pourraient être exposées. La Suisse a étendu ses distributions d’iode à 50 km en 2014, et plusieurs pays (Belgique, Luxembourg, Allemagne) ont décidé de couvrir l’ensemble de leur territoire, au moins pour les personnes les plus sensibles7.
La campagne de distribution d’iode actuellement en cours en France est limitée à 10 km autour des centrales nucléaires et des réacteurs de recherche de Grenoble et de Cadarache. Pour les personnes situées entre 10 et 20 km (concernées par la campagne menée en 2019), il n’est pas prévu de nouvelle distribution avant 2026, date à partir de laquelle les comprimés d’iode seront mis à disposition en continu8. Pour les populations situées hors des périmètres des PPI, il n’existe pas de mise à disposition préventive. Mais il est toujours possible, comme l’a affirmé le Conseil de l’ordre des pharmaciens à la CRIIRAD suite à son interpellation en 2021, d’aller commander des comprimés d’iode en pharmacie. Ils ne seront en revanche pas gratuits.

La CRIIRAD rappelle l’importance d’aller chercher ces comprimés, de s’informer et de se familiariser avec la posologie à appliquer (qui varie avec l’âge) car c’est avant d’en avoir besoin qu’il faut s’approprier ce dispositif de protection. La CRIIRAD recommande aussi un élargissement du périmètre des campagnes d’information et de distribution à tout le territoire français. Car en cas d’accident nucléaire, les nuages radioactifs ne s’arrêteront pas aux frontières des PPI.


Pour en savoir plus :


  1. Actualité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer du 15/09/2024 ↩︎
  2. PPI : plan qui décrit l’organisation des secours mis en place par les pouvoirs publics, en cas d’accident dans un réacteur nucléaire susceptible d’avoir des conséquences pour la population. Le déclenchement et la coordination des moyens qui en découlent en fonction des circonstances sont placés sous l’autorité du Préfet. Source : lexique ASN ↩︎
  3. Communiqué de presse ASN du 03/06/2019 ↩︎
  4. Note d’information ASN du 18/02/2020 ↩︎
  5. En 2016, 51% des particuliers, 38% des établissements recevant du public et 96% des établissements scolaires inclus dans le périmètre de distribution ont retiré des comprimés d’iode en pharmacie. Des taux plus élevés qu’en 2009. Communiqué de presse ASN, 02/05/2017 ↩︎
  6. Trait d’Union 86, pages 17-22, septembre 2020 ↩︎
  7. Ibid note 6 ↩︎
  8. « Une mise à disposition de comprimés d’iode a été organisée en 2019 pour les habitants des communes situées entre 10 et 20 km des centrales nucléaires. À partir de 2026, la mise en disposition se fera de manière continue. Les habitants non dotés pourront ainsi s’en procurer plus facilement. » Actu EDF Flamanville du 13/09/2024 ↩︎